Le changement, un concept naturel en Grèce ancienne ?

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Dans ce dernier article de L’Épopée du concept de nature du VIIIe au IVe siècle AEC, nous allons nous pencher de manière plus approfondie sur le concept de changement. Aristote l’envisage comme une catégorie synthétique comprenant les mouvements, les transformations physico-chimiques, les évolutions géologiques et biologiques, ainsi que les transformations politiques et morales. Plusieurs aspects, notamment physico-chimiques et politiques, ayant été traités dans l’article précédent, nous nous intéresserons ici à la notion générique de mouvement, à l’apparition des espèces, à l’anatomie et au développement et à l’ambivalence éthique de la nature. Nous terminerons par une analyse du hasard et de la nécessité qui structurent en partie les conceptualisations du changement en Grèce ancienne.

La pensée vs le mouvant

La rupture parménidienne

En égrenant les principaux aspects de la nature philosophique, nous avons observé que le mouvement est culturellement perçu de manière plutôt négative en Grèce ancienne par rapport au repos, excepté le mouvement circulaire, synonyme de perfection. Anaximandre situe l’origine du mouvement dans l’apeiron, Thalès dans l’eau, Anaximène dans l’air, les Pythagoriciens dans l’air ou la respiration, Anaximandre et les médecins le font émerger également de l’opposition des contraires qui sont considérés comme des puissances s’opposant les unes aux autres. Signalons qu’étymologiquement, la métaphore ta enantia, qui a donné son nom aux substantifs contraire et opposé, signifie en premier lieu « qui sont face à face » et s’employait à propos de combattants s’affrontant dans une bataille1.

En articulant les concepts de justice, vérité et nature au Ve siècle, nous avons noté qu’une distance s’instaure entre sensations et raison à partir des Pythagoriciens2, pour se radicaliser avec Xénophane puis Parménide. Selon ce dernier, rien n’est « vrai ni digne de crédit » dans « les opinions des mortels […] qui toutes vont passant toujours3. » Ce qui existe ne peut pas provenir du non-être. L’Être ou Un est « immobile, […] la Nécessité puissante le retient dans les liens l’enchaînant à sa propre limite […] C’est pourquoi ne sera qu’entité nominale < et pur jeu de langage > tout ce que les mortels, croyant que c’était vrai, ont d’un mot désigné : tel naître ou bien périr, être et puis n’être pas, changer de position, et changer d’apparence au gré de la couleur4. » De plus, « même chose sont et le penser et l’être5 ».

Pensées et sensations se distancient : les secondes sont soumises au mouvement, à génération et à corruption, alors que les premières tendent vers l’unité et l’immobilité propre à la connaissance. Cet éloignement prolonge la différenciation pythagoricienne âme/corps ainsi que l’idée d’une correspondance entre concept et objet6. Elle n’aboutit toutefois pas encore à une séparation complète entre les idées et les corps matériels, qui n’intervient qu’avec Platon : selon Parménide, « ce qui précisément pense chez les humains est le même que la nature de leurs membres, chez tous et tout un chacun ; en effet, ce qui prédomine est la pensée7 ». L’association de l’existence et de l’immobilité prive, par principe, les corps mouvants, dont les sensations, de la possibilité d’ « être ». Elle lance un défi intellectuel considérable tout en mettant l’accent sur le concept d’être, orientant durablement les préoccupations philosophiques.

Héraclite, contemporain de Parménide, articule les choses d’une manière similaire8 : il estime que « toutes choses sont en mouvement9 », que « la sensation est indigne de créance10 » et que la raison constitue un critère de vérité. Grâce à celle-ci et contrairement aux hommes sans intelligence, il « détermine chaque chose en fonction de sa nature et explique sa manière d’être11 ». De plus, le savoir est « Un », commun et universel, il « connaît la pensée par qui sont gouvernées toutes choses au moyen de toutes choses12. » Enfin, comme Parménide, Héraclite affirme que le feu constitue un élément premier. Avant Platon et Aristote, il se développe ainsi une disposition philosophique à la dichotomie pensée/sensation et à la prééminence des connaissances qui apparaissent structurées, décomposables et stables. Mais l’immobilité couplée à l’unité du savoir entraîne la difficulté à conceptualiser le changement, et plus particulièrement le mouvement, autrement que de façon analogique.

Empédocle et Aristote

Empédocle s’efforce de résoudre cette problématique en postulant non pas un mais quatre corps premiers (terre, eau, air, feu), ainsi que deux principes du mouvement : l’Amitié (ou Amour) et la Haine. Les éléments sont les « seuls à avoir l’être, et dans leur course, par échanges mutuels, ils deviennent ceci ou cela, demeurant continûment semblables13. » Autrement dit, ils peuvent se transformer les uns en les autres et ils composent toutes choses. Les objets comme les êtres vivants ne « naissent » pas, au sens où ils pourraient provenir d’un non-étant, il y a « seulement mélange et dissociation des éléments14 » suivant le principe de « tout ce qui se ressemble s’assemble et se chérit sous la loi d’Aphrodite15 ». Au terme d’un cycle cosmique, l’Amour rassemble les éléments dans l’Un avant qu’ils soient séparés à nouveau sous l’effet de la Haine.

Concernant la cognition, Empédocle estime « que la perception fournie par chacun des sens est crédible dans la mesure où la raison leur mesure cette confiance16 ». Il ne faut pas exclure le concours des sens à la connaissance, mais il convient de « reconnaître la voie par laquelle l’objet révèle sa nature17 ». Il affirme également : « L’intelligence croît chez les hommes selon ce que présentement [ils peuvent percevoir]18 » et « Autant ils étaient devenus autres, autant aussi des pensées différentes se présentaient sans cesse à eux19 ». Pensée et sensation demeurent interdépendantes20. De surcroît, non seulement les animaux mais aussi les plantes sont doués de raison21.

Alors que Platon rejoint les Pythagoriciens en posant les nombres comme premiers par rapport aux corps élémentaires, Aristote se range à l’opinion d’Empédocle en faisant dériver les corps premiers des contraires chaud/froid et sec/humide, d’une manière légèrement différente : le feu est constitué du chaud et du sec, l’air du chaud et de l’humide, l’eau du froid et de l’humide, la terre du froid et du sec22. Concernant le mouvement, Aristote l’englobe dans la catégorie de changement qui se fait de quelque chose vers quelque chose23. Il critique les analyses de ses prédécesseurs, d’Homère à Démocrite24, en observant « que les êtres qu’ils concevaient étaient les seuls êtres sensibles25 », et qu’ « à voir cette nature tout entière en mouvement et l’absence d’énoncé vrai sur ce qui change, <ils disent> qu’il n’est pas possible d’atteindre la vérité26 ». Il concède « que ce qui change, au moment où il change, leur donne quelque raison de ne pas croire qu’il est. Pourtant c’est au moins contestable, car ce qui subit une perte garde quelque chose de ce qui se perd et, de ce qui vient à être, nécessairement quelque chose est déjà […]  il faut en effet leur montrer qu’il existe une nature immobile et les en persuader.27 »

Aristote considère donc que la séparation entre intelligible et sensible, opérée par Platon puis atténuée par ses soins au travers de l’hylémorphisme, autorise une clarification et une justification du changement et plus particulièrement du mouvement. À cet effet, aux notions de forme et de matière, il ajoute celle de puissance, « principe de mouvement ou de changement28 » qui peut survenir depuis l’extérieur ou depuis l’intérieur : par exemple le constructeur est extérieur au bâtiment qu’il construit tandis que « l’art de soigner qui est une puissance peut se trouver dans ce qui est soigné, mais non en tant qu’il est soigné29 ». Est dit alors « en puissance » ce qui « vient à être » sans qu’aucun obstacle, intérieur ou extérieur, ne s’interpose. De plus, « ce monde est nécessairement continu avec les translations d’en haut, de sorte que toute sa puissance est gouvernée depuis là-haut ; en effet, ce dont toute chose tire le principe de son mouvement, c’est cela qu’il faut considérer comme cause première30. » La puissance présente ainsi un aspect formel en tant qu’elle est reliée au mouvement circulaire éternel des astres, et un aspect matériel au travers des corps premiers qui la véhiculent – Pour rappel, nous avions déjà noté que la nature, principe interne de mouvement et de repos est « double, matière d’un côté, figure de l’autre, que celle-ci est fin, et que tout le reste est en vue de la fin31 ».

La définition du mouvement découle des considérations précédentes : une chose en mouvement est « en puissance » vers une fin, naturelle ou technique32. De plus, un mouvement se décompose en quatre espèces, selon la substance (i.e. forme), la qualité (e.g. blanc/noir), la quantité (achevé/inachevé) et le lieu (haut/bas…). On retrouve dans cette définition les quatre causes (motrice, finale, formelle, matérielle) aristotéliciennes, la matière étant incluse dans la qualité, ainsi qu’un degré d’accomplissement et une orientation géographique. Par rapport aux Présocratiques, y compris Empédocle et Démocrite, le mouvement est ici décrit plus finement, sans qu’il y ait recours à des analogies ou au principe succinct et ancien d’attraction du semblable par le semblable. La combinaison de chacune des caractéristiques, universelles, permet d’aboutir une définition stable dans le temps du mouvement.

Mentionnons une autre percée aristotélicienne remarquable associée au mouvement : la conception d’un temps et d’un espace qui soient continus, divisibles chacun à l’infini (mais la grandeur infinie n’existe pas en acte). Ces principes lui fournissent les arguments pour réfuter les paradoxes de Zénon d’Élée33, ce dernier n’étant semble-t-il pas parvenu à un temps divisible à l’infini34.

Limites conceptuelles

Malgré son infinie divisibilité, l’espace tel que l’entend Aristote n’est pas composé de points, ni le temps d’instants : « il est impossible que quelque chose de continu soit composé d’indivisibles, par exemple une ligne de points, si toutefois la ligne est continue et le point indivisible35. » En effet, un point n’a ni partie ni extrémité contrairement aux grandeurs continues et divisibles. Quant au « maintenant », il est envisagé comme la limite commune du passé et du futur, mais le temps lui-même ne peut être une succession d’instants car « il n’existe pas de continu composé de choses sans parties36 ». Bien qu’il conçoive un point et un instant sans dimension pouvant constituer une limite, Aristote raisonne à partir de grandeurs et de durées, c’est-à-dire à partir de touts décomposables en parties. Cette démarche réflexive s’accorde avec une approche du mouvement prioritairement qualitative, et cependant davantage quantitative que celle de Démocrite dont les atomes, insécables, peuvent présenter des formes et des grandeurs différentes37.

La notion de qualité, en tant qu’attribut d’un sujet, constitue un universel, c’est-à-dire selon Aristote, « ce qui est dit en totalité parce que c’est un certain tout, est universel comme contenant plusieurs choses, parce qu’il est prédicat de chaque chose et que toutes ensemble sont une unité, comme chacune en est une, par exemple humain, cheval, dieu <forment une unité> parce qu’ils sont tous ensemble des animaux38. » L’universel est pensé comme une totalité qui contient et pas uniquement comme une abstraction. Une telle manière de voir s’inscrit dans une conception naturelle des catégories qui déterminent en partie les choses. Bien qu’elle soit caduque aujourd’hui, ne continue-t-elle pas d’imprégner nos modes de pensée, notamment lorsque des personnes sont catégorisées, quand bien même ces dernières ne sont plus autant figées que par le passé ?

Une autre limite de la pensée aristotélicienne, relative aux contraires qui orientent le mouvement dans la mesure où ils tendent vers leur lieu naturel, consiste à continuer de raisonner sur des couples élémentaires de contraires (chaud/froid ; sec/humide) plutôt que sur des unités de mesure (température, humidité). Si une paire d’opposés possède un même substrat « qui est matière », que le froid est chaud en puissance, la matière sous-jacente « existe toujours avec une contrariété », et « c’est précisément cette voie qu’emprunte la génération des corps premiers à partir de la matière39 ». De plus, « les contraires subissent et agissent les uns du fait des autres, et ils se détruisent mutuellement40. » On retrouve dans cette formulation l’opposition entre principes, caractéristique des « physiciens » depuis Anaximandre. Cette façon de concevoir illustre de nouveau que les couples d’opposés figuraient au fondement de la pensée grecque, et l’on peut s’interroger sur la possibilité qu’ils aient pu constituer un obstacle sur le plan scientifique pour appréhender des unités de mesure et développer des approches quantitatives.

Terminons les observations sur le mouvement par une incursion dans les temps modernes. Dans l’article précédent, nous avons évoqué qu’au-delà du caractère approximatif des formules quantitatives élaborées par Aristote, ce dernier n’avait pas poussé suffisamment loin l’abstraction et avait postulé l’existence du lieu pour qu’un corps puisse se déplacer. Le lieu détient « une certaine puissance. [Chaque corps simple naturel], en effet, est transporté vers son lieu quand il n’en est pas empêché, l’un [air, feu] vers le haut, l’autre [terre, eau] vers le bas41. » Associé par Aristote au chaos premier d’Hésiode, « il serait ce sans quoi aucune des autres choses n’existe, alors qu’il existe sans les autres choses42. » Lorsqu’un corps naturel a atteint son lieu naturel, il y demeure, le lieu étant immobile. Cette conceptualisation est bouleversée au XVIIe siècle par Galilée selon lequel il n’existe plus de lieux particuliers, encore moins absolus. Le mouvement n’a plus besoin, pour être appréhendé, que d’être défini de façon relative : « le mouvement est mouvement et agit comme mouvement pour autant qu’il est en rapport avec des choses qui en sont dépourvues ; mais, pour toutes les choses qui y participent également, il n’agit pas, il est comme s’il n’était pas43 ». Ainsi, les marchandises d’un navire demeurent immobiles par rapport à celui-ci pendant une traversée. Le mouvement galiléen n’est plus conçu par rapport à des lieux absolus mais en tant que relation de distance entre objets. C’est pourquoi, pour deux objets se déplaçant à la même vitesse, il est « comme rien ».

Au début du XXe siècle, la théorie de la relativité formulée par Einstein prolonge le relativisme galiléen en postulant que les lois de la physique doivent être identiques pour des observateurs se déplaçant à vitesse constante les uns par rapport aux autres. Il postule également un absolu qui, de manière diamétralement opposée à la conception aristotélicienne, s’avère la vitesse de la lumière. Celle-ci doit être la même pour tous les observateurs inertiels, quels que soient leurs mouvements relatifs. En l’espace d’une poignée de siècles, le principe d’un absolu figé s’est ainsi mué en un absolu correspondant à la vitesse la plus rapide qui soit !

Dilatation du temps en relativité restreinte (source Wikipédia)
Dessin de gauche : pour l’observateur immobile par rapport aux miroirs A et B, le départ et le retour de la lumière se font au même endroit, et la lumière parcourt la distance 2*L à la vitesse c.
Dessin de droite : ce même observateur voit passer à vitesse v une installation identique, il voit que la distance parcourue par la lumière entre le départ et le retour (qui n’ont pas lieu au même endroit) est 2*D et est supérieure à 2*L, mais la vitesse de la lumière est toujours c, même si la source lumineuse est en mouvement (postulat de la relativité restreinte). Pour lui, cet aller-retour dans l’installation en mouvement prend plus de temps que dans l’installation immobile.
Conclusion : le même phénomène prend plus de temps, donc paraît plus lent, quand il est vu en mouvement.

Un point commun semblerait rapprocher la relativité einsteinienne de la philosophie du Stagirite : dans les deux théories, le temps y est conçu relativement au mouvement. En relativité restreinte, il est fonction de la vitesse du référentiel par rapport auquel est mesuré le mouvement, selon Aristote il est « le nombre d’un mouvement selon l’antérieur et le postérieur44. » Cependant, cette dernière définition est produite à partir de la considération suivante : « l’âme semble bien demeurer dans un « maintenant » unique et indivisible, […] par contre, quand nous percevons et distinguons un changement, alors nous disons que le temps s’est écoulé45 ». Aristote associe le temps au mouvement, non au travers d’une analyse objective de déplacements, mais à partir d’une analyse subjective et intuitive : le temps apparaît inhérent aux sensations corporelles, par opposition à l’âme dont la partie réflexive permet d’accéder à des vérités éternelles. Nous en revenons ainsi à la pensée, appréhendée globalement de façon opposée aux sensations en Grèce ancienne, une opposition qui a structuré les conceptualisations du mouvement.

Changements biologiques et éthiques

Apparition des espèces

Ainsi que nous l’évoquions plus haut, le changement constitue une catégorie générique chez Aristote, qui englobe le mouvement. Celui-ci définit « six espèces du changement : la génération, la corruption, l’accroissement, la diminution, l’altération et le changement selon le lieu46. » Dans l’ensemble, les corps premiers sont concernés par la génération et la corruption, sauf les atomes de Démocrite, les homéoméries comme l’eau, le feu ou l’or d’Anaxagore, ou le cinquième élément d’Aristote qui sont éternels. Les éléments d’Empédocle sont éternels, mais ils se transforment les uns en les autres. En dehors de quelques exceptions, donc, les réalités matérielles viennent à l’existence et, tôt ou tard, cessent d’être, y compris pour certains comme Anaximandre, Anaximène, Xénophane et Démocrite47, le cosmos lui-même. En particulier la Terre est venue à l’existence ainsi que les différentes espèces vivantes qui la peuplent. On rencontre ainsi chez les Présocratiques une histoire du monde, mais peut-on pour autant parler d’évolution au sujet des espèces ?

Anaximandre soutient que de l’apeiron « se trouve discriminé, et que de lui naît une sphère de feu qui enveloppe l’air autour de la Terre, comme fait l’écorce d’un arbre ; puis, de son éclatement en débris circulaires sont constitués le Soleil, la Lune et les astres48. » Il avance par ailleurs que les « premiers animaux sont nés dans l’humide, enveloppés par une écorce épineuse ; et que, le temps aidant, ils évoluèrent vers une condition plus sèche et après avoir brisé leur écorce, ils survécurent un court instant49. » Quant à l’homme, il « a été au commencement engendré à partir d’animaux d’espèce différente, compte tenu du fait que les autres animaux se nourrissent très tôt par leurs propres moyens, alors que l’homme est le seul à réclamer un allaitement prolongé50. » Deux autres témoignages de Censorinus et de Plutarque précisent que les animaux dont seraient issus les êtres humains sont des poissons ou assimilés. Selon le premier, c’est « au sein de ces animaux qu’ont été formés les hommes et que les embryons ont été retenus prisonniers jusqu’à l’âge de puberté51 », selon le second « les poissons et les hommes sont de la même espèce », « les hommes sont nés dans les poissons et se nourrissaient comme les requins, mais […], devenus ensuite capables de subvenir eux-mêmes à leurs besoins, ils se mirent à marcher et prirent pied sur la terre52. » Tandis que le fait d’être simplement issu de poissons n’induit pas une évolution mais seulement une naissance « à partir de », la parenté entre les poissons et les hommes suppose une sorte d’évolution plutôt de type mutationniste (modifications ponctuelles et d’envergure) que darwiniste (variations infinitésimales).

Empédocle emprunte un chemin sensiblement différent de celui de son aîné. Selon lui, « c’est des éléments que sortent toutes choses, tout ce qui a été, qui est et qui sera : c’est d’eux que les arbres ont surgi, et les hommes et les femmes, et les bêtes, et les oiseaux, et dans l’eau les poissons, et les dieux qui jouissent de la longévité et des plus hauts honneurs. » Les objets, les êtres vivants ainsi que leurs parties (les chairs, les os, les membres…) sont composés d’éléments suivant un certain mélange ou formule. Par exemple il écrit à propos des os : « Et la terre accueillante en ses vastes creusets reçut deux parts sur huit de Nestis la Brillante, quatre d’Héphaïstos. Les os blancs en naquirent, divinement collés au ciment d’Harmonie53. » Si l’Amour ou Harmonie agit comme un ciment, la formule d’un composé, quant à elle, n’est pas le produit d’un principe mais du hasard54. Ainsi, les parties des animaux et des hommes, avant de s’assembler, « erraient à la recherche d’un mutuel mélange55 », et les premières associations ont pu aboutir à des incongruités voire des monstruosités comme des bovidés à face d’homme, des enfants à tête de bœuf ou des créatures moitié homme, moitié femme56. Le hasard n’est cependant pas le seul à intervenir dans la reproductibilité de l’assemblage : « En s’ajoutant au corps humain, une tête d’homme pourvoit au salut de tout l’ensemble, alors qu’elle jure avec un corps de bœuf et cause sa perte. Aussi tout ce qui n’était pas conforme au modèle de son espèce fut détruit57. » Le critère de viabilité, selon Empédocle, relève de l’esthétique davantage que de la biologie.

Démocrite associe plus étroitement, à l’instar d’Anaximandre, formation géologique et génération des espèces. Après que la Terre, d’abord recouverte par les eaux, eût été progressivement asséchée, les arbres et des plantes commencèrent à pousser, ainsi que des sortes d’embryons, « semblables à des bulles qui, à force d’être cuites pendant le jour par le Soleil et tiédies, la nuit, au feu de la Lune et des autres astres, finirent par se déchirer pour donner naissance aux animaux58. » Ces générations « spontanées », selon Hermippe, « témoignent manifestement de l’étonnant modelage, accompli une fois pour toutes, des espèces animales. D’ailleurs, à mon sens, la question ne peut même pas se poser de savoir si encore actuellement une telle création est possible, puisque la terre ne se trouvera plus de la même façon mélangée à l’eau et que les conjonctions astrales ne formeront plus les mêmes figures59. » L’homme est apparu de la même manière que les grands animaux, il a adopté une posture droite parce qu’il participait davantage du chaud.

Est-il possible de parler d’évolution à propos des théories d’Empédocle et de Démocrite ? Contrairement à celle d’Anaximandre, il n’y figure pas de parenté entre animaux et êtres humains, qui apparaissent ponctuellement au cours d’une période révolue depuis longtemps. Parler de « sélection naturelle60 » chez Empédocle ne me semble pas non plus adéquat dans la mesure où, pour Darwin, celle-ci est liée à des variations infinitésimales, héréditaires, se produisant pour une population donnée dans un contexte environnemental particulier, contraignant. Les Anciens n’avaient clairement pas conscience du temps extrêmement long61 nécessaire à l’évolution. Les scénarios précédents évoquent plutôt des surgissements spontanés, les espèces se présentant d’emblée sous leur forme naturelle. Invoquer l’expression de Spencer, « la survie du plus apte », ne convient pas non plus car elle est associée à une « lutte pour l’existence » qui ne se déroule pas chez Empédocle, la reproductibilité étant déterminée par la conformité esthétique d’un assemblage à un modèle.

Anatomie et développement

Aristote critique Empédocle et Démocrite à partir de son finalisme. Selon lui, les êtres mortels sont générés car ils peuvent participer du meilleur comme du pire, ils sont dotés d’une âme « meilleure que le corps » et « ce qui est animé est meilleur que ce qui est inanimé62 ». Bien qu’ils ne puissent pas être éternels, « c’est de la façon dont cela lui est possible que ce qui est engendré est éternel. Si donc c’est impossible par le nombre (car la substance des êtres est dans le particulier ; or, s’il était tel, il serait éternel), en revanche, c’est possible par l’espèce. C’est pourquoi le genre des êtres humains, des animaux et des plantes est éternel63. » Autrement dit, la forme de l’espèce, par opposition à la particularité de chaque organisme, confère un aspect éternel à l’être vivant. L’espèce étant éternelle, elle n’a pas été elle-même engendrée. Il ne saurait donc être question d’une apparition ou génération des espèces chez Aristote qui souligne opportunément la part de finalisme présente chez Empédocle : « C’est donc là où tout s’est passé comme si les choses s’étaient produites en vue de quelque chose, que les êtres en question ont été conservés, étant, par le fait de la spontanéité, convenablement constitués. Quant à ceux pour qui il n’en a pas été ainsi, ils ont été détruits et continuent d’être détruits, comme Empédocle le dit des bovins à face humaine64. »

Ce qui frappe Aristote et qui permet d’appréhender concrètement le caractère téléologique de ses théories, c’est la régularité avec laquelle une espèce se reproduit : « Empédocle n’a pas eu raison de dire que beaucoup de traits appartiennent aux animaux du fait de la manière dont les choses se sont passées durant leur genèse, par exemple que la colonne vertébrale est telle qu’elle est parce que en se pliant il lui est arrivé de se briser : il ignore d’abord que la semence qui a été constituée doit être présente avec une puissance de ce genre, ensuite que le producteur a préexisté non seulement logiquement, mais encore chronologiquement. Car c’est l’être humain qui engendre un être humain65 ». La totalité précède la partie, que ce soit pour l’espèce ou pour chacun des organes d’un individu : « la nature fait les organes pour leur fonction et non pas la fonction pour les organes66 ». En particulier, la colonne vertébrale, en plus d’être le « principe des os », « est ce qui maintient les animaux droits dans leur longueur67. »

Prenons l’exemple, en termes de développement, du sexe du fœtus. Comment est-il déterminé ? Selon Parménide et Anaxagore, par la direction qu’emprunte le liquide séminal dans l’utérus : le mâle est conçu dans la partie droite de la matrice, la femelle dans la partie gauche. Empédocle estime que les garçons viennent d’un utérus chaud, les filles d’un utérus froid, et Démocrite affirme que le sexe dépend de la domination de l’une des deux semences, masculine ou féminine, sur l’autre68. Aristote réplique en accusant d’abord Empédocle de n’avoir « vraiment pas fait beaucoup d’efforts69 » avec son hypothèse de la chaleur, ce qui rétrospectivement apparaît imprudent dans la mesure où la température influe effectivement sur le sexe de l’enfant chez certains reptiles tels que les alligators70. Il estime ensuite que, sur ce point, « Démocrite parlerait mieux. […] Savoir s’il le fait bien ou pas, c’est une autre affaire71. »

Concédant que « ce n’est pas une mince affaire que de tirer de ce principe une cause de la génération de ces parties72 », il avance l’argument, aussi bien contre Empédocle que Démocrite, que « des jumeaux mâle et femelle naissent souvent en même temps dans la même partie de l’utérus ; nous l’avons suffisamment observé [lors73] de dissections chez tous les vivipares, à la fois chez les animaux terrestres et les poissons74. » Cet argument nous fournit ainsi un autre exemple concret de réfutation à l’aide de la dissection75. La solution d’Aristote pour la détermination du sexe s’appuie sur celles de ses adversaires, comme souvent, mais gagne en complexité. Elle part des principes suivants : 1) la génération et la croissance se produisent systématiquement à partir de la nourriture qui, digérée, aboutit à un résidu ; 2) il y a génération à partir du contraire et 3) la destruction s’opère à partir du contraire. À partir de ces hypothèses, si l’un des deux principes (masculin ou féminin) ne domine pas l’autre, à la manière d’une sorte de digestion de son contraire favorisée par la chaleur, il se retrouve en état d’infériorité et se change en son contraire76.

L’opposition des contraires joue, une fois de plus, un rôle central, le mâle fournissant la semence, principe de mouvement, et la femelle procurant la matière77. La forme est donc issue du masculin car le féminin en est privé. Or « la nature selon la figure est plus importante que la nature matérielle78. » De surcroît, lorsque le principe masculin se relâche et qu’il ne parvient pas à dominer le principe féminin, « ce qu’il reste, c’est ce qu’il y a de plus général, c’est-à-dire l’animal79. » C’est ainsi qu’adviennent diverses difformités et monstruosités donnant l’apparence d’animaux, cible de moqueries en société. La matière apparaît plus spécialement dans la biologie aristotélicienne comme un principe connoté négativement pouvant opposer une résistance à la forme.

Ambivalences éthiques de la nature

Rappelons la liste des contraires attribuée à par Aristote aux Pythagoriciens : limité/illimité ; impair/pair ; un/multiple ; droite/gauche ; mâle/femelle ; repos/mouvement ; droit/courbe ; lumière/obscurité ; bien/mal ; carré/rectangle. La forme aristotélicienne confère une limite et une unité à la matière illimitée et continue, c’est-à-dire infiniment divisible. La droite est toujours perçue de façon positive, par le disciple de Platon, en ce qu’elle constitue la partie du corps « d’où part naturellement le changement de lieu80 » chez les animaux. Nous venons de voir la dépréciation de la femelle par rapport au mâle. En ce qui concerne le mouvement, s’il est orienté vers une finalité naturelle ou technique, d’ordre formel, et qu’il détient une origine céleste, il est « en puissance ». Or l’acte est antérieur à la puissance81 et l’antérieur (céleste par excellence) prévaut sur le postérieur82.

Malgré le caractère double de la nature, formel et matériel, la forme l’emporte sur la matière et la nature apparaît finalement comme bonne aux yeux d’Aristote, de même qu’à ceux de Platon. La nature péripatéticienne ne fait rien en vain et « réalise toujours le meilleur des possibles83 ». Les finalités qu’elle poursuit, nécessairement bonnes, correspondent à des formes, à des catégories générales et éternelles qui permettent de décrire le monde de manière stable. La bonté de la nature apparaît ainsi formelle chez le Stagirite, alors que les êtres particuliers, sont composés de multiples formes et matières. Cette perspective s’accorde avec celle de Platon selon lequel la bonté, ainsi que nous l’avons observé, réside dans le rapport entre natures, les idées étant supérieures aux choses, l’âme au corps. Il convient d’avoir cela à l’esprit, car la nature formelle de Platon et d’Aristote n’est pas celle des Sophistes qui ne distinguaient pas la forme de la matière, ni celle des Stoïciens qui l’identifient à Dieu (coextensif du cosmos et considéré comme un vaste organisme), encore moins celle, matérielle, des atomistes.

À côté des visions positives de la nature de Platon et d’Aristote, celles des Sophistes et de Thucydide contrastent singulièrement. Les Sophistes opposent la nature aux conventions humaines, ils instituent une fracture entre un état de nature, où rien ne limite les injustices et les violences, et la cité au sein de laquelle les hommes disposent, du moins selon Protagoras, d’une vertu commune de justice qui leur permet de s’accorder, notamment via l’établissement de lois. S’appuyant sur les Sophistes, Thucydide dépeint une nature humaine injuste, violente, dominée par les passions. Et c’est précisément par opposition aux vicissitudes de la vie politique et à la violence qui les accompagne que Platon et Aristote s’efforcent, ainsi que nous l’avons souligné dans l’article précédent, d’instaurer une philosophie politique, naturelle, qui stabilise de manière oligarchique les mœurs.

Hasard et nécessité

L’agitation et les désordres politiques du Ve siècle, générateurs d’incertitudes, nous offrent une transition vers la notion de hasard qui, nous allons l’expliquer, ne s’oppose pas originellement à la nécessité mais en dérive. Le terme grec pour le hasard (tyché) signifie en premier lieu fortune ou sort et correspond dans le polythéisme à une divinité associée au destin-nécessité : dans le Prométhée enchaîné d’Eschyle, le héros affirme « qu’il lui faut supporter son destin (aisa) car « on ne peut lutter contre la force de la nécessité (anankè) ». Il ajoute qu’il lui est impossible de taire et de ne pas taire son sort (tychè)84. » Même les dieux sont soumis à la nécessité, personne n’y échappe. Sur le plan politique, le tirage au sort, en tant que coutume, manifeste l’impénétrabilité de la fortune. Dans les épopées homériques, il « est attesté pour le choix des jeunes gens qu’on envoie à la guerre ou fonder une colonie, selon une pratique fréquente dans le monde entier à toutes époques, ou encore, dans la guerre, pour le choix d’un champion qui se battra au nom de tous85. » Il apparaît plus important encore « en matière successorale, comme le montre la polysémie du mot klèros, non seulement « sort », mais « lot, apanage86« . » Il se retrouve notamment à deux reprises dans Les Sept contre Thèbes d’Eschyle, où le roi de Thèbes, Étéocle, affronte son frère Polynice : une première fois pour assigner une des sept portes de la cité à chacun des capitaines de Polynice ; une seconde fois afin de partager le patrimoine entre chacun des frères, patrimoine qui s’avère, en tant qu’héritage d’Œdipe, la mort87.

Quid de la démocratie athénienne ? « Dans la Constitution d’Athènes le mot « tiré au sort » revient […] sans cesse dans la seconde partie du traité, pour « toutes les magistratures ordinaires » (c. 43, 1) à l’exception des trésoriers des fonds militaires et de la caisse des spectacles, de l’intendant des fontaines et, généralement, des fonctions militaires. […] au total plusieurs centaines de magistrats tirés au sort chaque année, qui dans chaque charge ne peuvent être renouvelés (sauf exceptions), auxquels il faut ajouter les 6000 héliastes88. » Ce procédé de sélection s’avère intimement lié à un régime politique où le « peuple » gouverne, « comme le disent explicitement Otanès dans un débat de l’historien Hérodote (III, 80), et Thésée dans les Suppliantes d’Euripide (v. 406 et suiv.) : « Le peuple exerce les magistratures par le sort « , « le peuple règne par des successions annuelles à tour de rôle89« . » Le fait que tout citoyen, disposant au non d’une connaissance approfondie des affaires publiques, puisse exercer une autorité a rencontré de vives oppositions philosophiques, en particulier celle de Platon qui a argumenté en faveur de dirigeants politiques éclairés90. Toutefois, le fondateur de l’Académie a conservé le tirage au sort dans sa constitution fictive de la cité excellente des Lois, quand bien même il lui a attribué un rôle mineur : « il faut recourir à l’égalité du tirage au sort pour éviter le mécontentement du grand nombre, en invoquant cette fois encore dans nos prières la divinité et la bonne fortune, afin qu’elles dirigent le sort du côté où il y a le plus de justice91. »

Une fois de plus, ne nous focalisons pas sur le caractère religieux dont hériterait ou non la notion de hasard, n’opposons pas de manière trop radicale, ainsi qu’une coutume philosophique le fait, religion et philosophie présocratique, plus spécialement religion et hasard92, au risque de passer à côté de certains agencements de concepts. Soulignons que la notion de hasard hérite sémantiquement d’une conceptualisation au sein de laquelle elle joue le rôle de cause intermédiaire et indéfinie dans la mesure où elle constitue une part incalculable du destin ou nécessité qui gouverne le flot des événements.

Les premiers physiciens ne semblent pas invoquer le hasard, ils recourent surtout dans leurs écrits au destin et à la nécessité. Héraclite y fait référence indirectement lorsqu’il compare la vie à « un enfant qui joue au trictrac93 ». Il use de cette métaphore pour décrire l’univers, doté d’une raison commune qui harmonise les contraires. Autrement dit, au-delà de la fortune, réside une forme de nécessité intellectuelle, le hasard n’est pas premier, il masque des causes et des raisons plus profondes. Le hasard devient cause et même une cause prépondérante dans la formation de l’univers à partir d’Empédocle puis Démocrite (remarquons la corrélation historique entre le développement théorique du concept de hasard et les multiples changements politiques du Ve siècle). Le premier estime, nous l’avons évoqué plus haut, que toute chose se compose d’éléments et que l’assemblage des parties des animaux et des hommes dépend du hasard. Par ailleurs, au cours d’une révolution cosmique, chaque élément l’emporte sur l’autre à tour de rôle, il se « transforme en un autre et s’accroît de la part fixée par le destin94 ». De plus, les éléments ainsi que certains composés sont soumis à la loi « tout ce qui se ressemble s’assemble », et les composés doivent se conformer à un certain modèle. Selon Démocrite, qui souscrit également95 à l’attirance du semblable par le semblable, toute chose est engendrée par le hasard, plus précisément par un tourbillon d’atomes96. Cependant, le tourbillon lui-même est nommé nécessité97, il constitue la puissance qui propulse circulairement le Soleil98. La nécessité est également « la résistance, la translation et l’impulsion99 » des atomes qui n’ont « aucune liberté de mouvement du fait de leurs heurts mutuels100. »

Empédocle et Démocrite fondent ainsi le hasard sur la nécessité-destin, il émerge des évolutions multiples, imprévisibles voire invisibles des entités premières, mais rien n’échappe dans l’ensemble à la nécessité. Pour comprendre ce qui s’apparente à un paradoxe, il convient de rappeler la conception traditionnelle précédemment évoquée : le hasard relève de la nécessité en tant qu’il représente les aspects incalculables d’un cours de l’histoire globalement prédéterminé. Étant donné le cadre sémantique au sein duquel pensaient ces philosophes, je doute qu’ils aient eu à l’esprit un hasard de type moderne, qui n’est pas lié à une forme de prédétermination mais à des calculs de probabilités concernant des événements reproductibles dont l’archétype est le jeu de dés, ainsi qu’à des incertitudes au sujet du futur101.

Le mythe d’Er narré par Platon à la fin de La République abonde en ce sens : il introduit une révolution conceptuelle en laissant les âmes choisir leur prochaine existence – aucun héros mythique n’a eu le choix de sa destinée. Toutefois, cette décision concerne une vie parmi d’autres et n’impacte pas une conception fixe du bien. L’argumentation d’Aristote au sujet des futurs contingents tend également à confirmer cette ligne d’interprétation : tandis que les mégariques affirmaient qu’un événement futur est vrai ou faux avant qu’il se produise, Aristote leur oppose qu’on ne peut se prononcer sur la véracité d’un phénomène tant que celui-ci n’existe pas102. Il affirme en outre que « nous ne délibérons pas des fins, mais des moyens pour y parvenir. Un médecin qui délibère en effet ne se demande pas s’il doit apporter la guérison, ni un orateur s’il doit se montrer convaincant, ni un politique s’il doit produire une bonne législation, et personne d’autre ne s’interroge sur la fin103. » Ces derniers mots soulignent que le bien est vrai, il n’est pas discutable. S’il existe une incertitude, s’il est possible de délibérer et de choisir, c’est à propos des moyens pour parvenir aux fins. Démocrite affirme également que le « bien et le vrai sont identiques pour tous les hommes104 », ce sont les sensations qui varient. Les hommes peuvent « user des biens en vue de fins mauvaises, puisque nous sommes libres de le vouloir105. » Ils se précipitent sur les fins mauvaises « par aveuglement de l’intellect et par ignorance106. » Quant à Empédocle, il croit littéralement au destin du polythéisme, selon lequel une souillure morale appelle un châtiment107, et c’est également le destin qui régit le mouvement des éléments. Ces considérations illustrent à nouveau qu’on ne peut pas interpréter les Anciens en isolant leurs théories sur la nature de leurs thèses morales.

Terminons par l’approche aristotélicienne du hasard et de la nécessité, qui ne contrevient pas fondamentalement à celle d’Empédocle et à celle de Démocrite, à ceci près qu’elle ne se limite pas à une nécessité matérielle, elle complémente celle-ci par la finalité, une nécessité formelle. C’est à nouveau la distinction forme/matière qui permet de comprendre pourquoi et comment Aristote critique ses prédécesseurs. Le problème n’est pas que ceux-ci invoquent la nécessité et le hasard mais qu’ils ne prennent pas en compte, ou insuffisamment, des finalités (formelles), plus particulièrement celles d’ordre biologique : « tout en niant, en effet, que les animaux et les plantes sont et sont produits par hasard, et en disant que la cause en est, en fait, la nature, l’esprit ou quoi que soit d’autre de ce genre (car ce qui naît de chaque semence n’est pas le fait du hasard, mais de cette semence-ci naît un olivier, de celle-là un homme), ils prétendent par contre que le ciel et les plus divins des corps visibles se seraient produits spontanément, sans qu’il y ait aucune cause du genre de celle qui intervient pour les animaux et les plantes108. » Le hasard-spontanéité109, sous-tendu par la nécessité110, intervient explicitement dans l’apparition des composés et des espèces, aussi bien chez Empédocle que chez Démocrite. Intervient-il au-delà ? Les fragments ne permettent pas de l’affirmer. On voit dans cette critique d’Aristote, formulée dans la Physique, l’importance de la biologie dans sa conceptualisation de la finalité : celle-ci se manifeste plus particulièrement dans la reproduction régulière des êtres vivants.

Comment le Stagirite conçoit-il le hasard ? Comme une cause qui n’est assignée « ni à ce qui arrive nécessairement et toujours, ni à ce qui arrive le plus souvent111 » et qui est relative à ce qui se produit par accident. Or l’accident est défini comme opposé à l’absolu et au par soi, donc au formel. Le hasard apparaît issu de la matière qui se répercute au niveau de la sensation : « pratiquement chacun des sensibles est tel qu’il ne s’applique à rien, si ce n’est par accident112 ». Tandis que la cause par soi est déterminée, « celle qui est par accident est indéterminée ; car un nombre indéfini d’accidents peuvent arriver à une seule et même chose113 ». De plus, comme « comme rien d’accidentel n’est antérieur à ce qui est par soi, il est évident qu’aucune cause par accident n’est antérieure à celle qui est par soi114. » La cause formelle, par soi, est antérieure au hasard qui est « cause en tant qu’accident ; mais, au sens absolu, il n’est cause de rien115. » Chez Aristote, le hasard émerge donc de causes formelles et matérielles, tandis que chez Empédocle et Démocrite, il est issu uniquement de causes matérielles, ceux-ci n’opérant pas la distinction entre forme et matière. Mais les trois philosophes s’accordent à penser que le hasard soit une cause secondaire émergeant de différents types de nécessité, nécessité vraie qui n’est pas séparable du bien.

Un changement difficile à conceptualiser

Le changement a constitué une catégorie difficilement intelligible en Grèce ancienne dans la mesure où, associé au mouvement et aux sensations, il s’opposait à la pensée, à des concepts figés dans le temps sur lesquels reposait la connaissance. Or avant Platon, pensée et sensation n’étaient pas séparées, d’où l’impossibilité dans laquelle s’est trouvé Parménide d’articuler l’être-pensée avec le non-être-mouvement. En instaurant une coupure nette, et probablement excessive, entre intelligible et sensible, Platon a fourni un outillage conceptuel pour articuler des connaissances stables sur le long terme avec un monde en perpétuelle évolution. Aristote a poursuivi l’œuvre de son maître en naturalisant le changement, opérant une réconciliation majeure dans l’histoire de la pensée. À cet effet, il s’est appuyé plus particulièrement sur la distinction entre forme et matière, la première étant associée à une sorte de finalisme, et donc de nécessité, et la seconde à un type d’indétermination. Si ses conceptualisations novatrices ont considérablement contribué au progrès des connaissances, elles ont aussi manifesté des limites, notamment parce que la totalité, qualitative, primait intellectuellement sur les parties, parce que l’opposition des contraires a continué dans une large mesure à les sous-tendre, ou parce que certains lieux constituaient des absolus.

La difficulté à concevoir le changement reflète le caractère immuable des concepts naturels et éthiques. En Grèce ancienne chaque penseur, bien qu’il dépeigne de manière originale différentes notions fondamentales, conçoit celles-ci comme vraies depuis la naissance du cosmos ou de toute éternité. Les choses bougent, changent, bien trop par moments au goût de certains, les idées de base demeurent égales à elles-mêmes. On débat sur la véracité d’un concept naturel ou moral, non sur la possibilité qu’il évolue. Aurait-il été pensable pour un Grec qu’une idée vraie, telle l’espèce ou la vertu, évolue ? Certainement pas pour Platon et Aristote. Les idées vraies existent au même titre que le vrai équivaut au bien voire en dépend. La quête d’ordre, indissolublement épistémologique et éthique, dans laquelle étaient engagés les philosophes, ainsi que la nécessité sous-jacente à leurs théories expriment le caractère pérenne des idées essentielles.

En comparaison, de nos jours, la physique et la chimie mettent en évidence, notamment grâce aux sciences formelles et techniques d’expérimentation, que certains concepts détiennent une forme d’éternité. À partir de la biologie, les concepts commencent à être soumis à évolution, au point que la notion de catégorie naturelle, liée à la biologie depuis Aristote, s’historicise et que la chimie en devient le nouveau paradigme116. Ce bouleversement épistémologique s’est produit en raison des nouvelles appréhensions qu’ont fournies les théories de l’évolution et celles de la génétique depuis le XIXe siècle. Les variations ponctuelles qui se produisent à l’échelle microscopique peuvent contribuer à induire, en fonction du contexte historique, des changements considérables sur le plan macroscopique à long et très long terme. L’immuabilité des idées, depuis deux siècles, s’est ainsi progressivement réduite aux domaines mettant en jeu un nombre limité d’interactions physico-chimiques.

Synthèse des principales conceptualisations de la nature

Au terme de l’Épopée du concept de nature, qui reflète dans une large mesure les débats philosophiques en Grèce ancienne du VIIIe au IVe siècle AEC, récapitulons les grandes significations du concept de nature jusqu’à Aristote :

SignificationPhilosophe(s)
Ce dont la chose est constituée.Présocratiques
Le développement d’une chose depuis son origine jusqu’à sa réalisation, un processus sous-tendu par la nécessité.Présocratiques
Ce qui ne peut être transgressé, qui n’est pas conventionnel => distinction nature/culture ; non-humain/humain.Sophistes
La nature humaine en tant qu’ensemble de caractéristiques, plutôt négatives, des comportements humains.Thucydide
L’essence d’une chose.Platon
Le principe interne du mouvement orienté vers une finalité. Il constitue une puissance associée à l’action des contraires ou opposés.Aristote

Notes

1. Charles Kahn, Anaximander and the Origins of Greek Cosmology, Columbia University Press, 1960, p. 130. Définition issue du Bailly 2020 sur Eulexis-web (rechercher ἐναντίος).

2. Selon Hippon de Métaponte « l’âme et le corps sont deux réalités absolument distinctes », la première étant « immortelle » d’après Hérodote. Jean-Paul Dumond, Les Présocratiques, Gallimard, 1988, resp. p. 78 et 53.

3. Fragment B1, Sextus Empiricus, Contre les mathématiciens, VII in Jean-Paul Dumond, op. cit., p. 256.

4. Fragment B8 in Jean-Paul Dumond, op. cit., p. 262.

5. Fragment B3, Clément d’Alexandrie, Stromates, VI, 23 in Jean-Paul Dumond, op. cit., p. 258.

6. Voir https://damiengimenez.fr/comment-les-philosophes-concevaient-la-nature-avant-platon-et-dans-quelle-mesure-leurs-vues-differaient-de-celles-du-polytheisme/#Cosmos_et_correspondance_entre_le_mot_et_la_chose

7. Fragment B16, Aristote, Métaphysique, 1009b in Œuvres complètes, Flammarion, 2014. Ouvrage désigné OC dans les notes suivantes.

8. Les deux penseurs, contrairement à une idée reçue, présentent davantage de points communs que de divergences.

9. Aristote, Topiques, 104b in OC.

10. Sextus Empiricus, Contre les mathématiciens, VII, 126 in Jean-Paul Dumond, op. cit., p. 141. Parménide accorde cependant que « les yeux sont effet des témoins plus exacts que les oreilles » : Polybe, Histoire, XII, 27 in Jean-Paul Dumond, op. cit., p. 169.

11. Sextus Empiricus, Contre les logiciens, Les Belles Lettres, 2019, I, II, 132. Cette traduction est plus claire que celle de J.-P. Dumont. Je souligne.

12. Diogène Laërce, Vies, IX, I in Jean-Paul Dumond, op. cit., p. 155.

13. Simplicius, Commentaire sur la Physique d’Aristote, 157, 25 et 161, 14 in Jean-Paul Dumond, op. cit., p. 380-381.

14. Plutarque ; Aétius in Jean-Paul Dumond, op. cit., p. 376.

15. Simplicius, Commentaire sur la Physique d’Aristote, 160, 26 in Jean-Paul Dumond, op. cit., p. 383.

16. Sextus Empiricus, Contre les mathématiciens, VII, 124 in Jean-Paul Dumond, op. cit., p. 374.

17. Ibid.

18. Fragment B106, Porphyre in Jean-Paul Dumond, op. cit., p. 416.

19. Aristote, Métaphysique, 1009b in OC.

20. Ce qu’Aristote explicite dans De l’âme, 427a, et étend à tous les auteurs anciens : « Tous ces auteurs font, en effet, l’assomption que penser est un phénomène corporel, comme sentir, et que, dans les deux cas, on saisit le semblable par le semblable ».

21. Sextus Empiricus, Contre les mathématiciens, VIII, 286 in Jean-Paul Dumond, op. cit., p. 419.

22. Aristote, De la génération et de la corruption, 330b in OC.

23. Aristote, Physique, 225a in OC : « tout mouvement est une sorte de changement ».

24. Aristote, Métaphysique, 1009b, in OC.

25. Aristote, Métaphysique, 1010a in OC.

26. Ibid.

27. Ibid. Je souligne.

28. Ibid., 1019a.

29. Ibid.

30. Aristote, Météoroliques, 339a in OC.

31. Aristote, Physique, 199a in OC.

32. Aristote définit exactement de la manière suivante « l’entéléchie de l’étant en puissance en tant que tel est un mouvement ». Ibid., 201a in OC.

33. Ibid., 239b-240a. Sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Paradoxes_de_Z%C3%A9non

34. Ibid., 233a : « l’argument de Zénon pose faussement qu’il n’est pas possible de parcourir les infinis ou de toucher individuellement des infinis en un temps limité. […] il se trouve que l’infini sera parcouru en un temps infini et non pas fini, et que les infinis seront touchés en des moments infinis et non pas en nombre fini. »

35. Ibid., 231a.

36. Ibid., 234a.

37. Cf. https://damiengimenez.fr/comment-les-philosophes-concevaient-la-nature-avant-platon-et-dans-quelle-mesure-leurs-vues-differaient-de-celles-du-polytheisme/#Oppositions_et_mouvement

38. Aristote, Métaphysique, 1023b in OC. Je souligne.

39. Aristote, De la génération et de la corruption, 329a in OC.

40. Aristote, Traité du ciel, 286a in OC.

41. Aristote, Physique, 208b in OC. Je souligne.

42. Ibid., 208b-209a.

43. Galilée, Dialogue sur les deux grands systèmes du monde, Seuil, 1992, p. 228.

44. Aristote, Physique, 219b in OC.

45. Ibid., 218b.

46. Aristote, Catégories, 15a in OC.

47. Aetius, Opinions, II, I, 3 in Jean-Paul Dumond, op. cit., p. 32.

48. Pseudo-Plutarque, Stromates, 2 in Jean-Paul Dumond, op. cit., p. 28.

49. Aétius, Opinions, V, XIX, 4 in Jean-Paul Dumond, op. cit., p. 38.

50. Pseudo-Plutarque, op. cit.

51. Censorinus, Du jour de la naissance, IV, 7 in Jean-Paul Dumond, op. cit., p. 38.

52. Pseudo-Plutarque, Stromates, 2 in Jean-Paul Dumond, op. cit., p. 38.

53. Cité par Simplicius, Commentaire sur la Physique d’Aristote, 300, 19 in Jean-Paul Dumond, op. cit., p. 411.

54. Fr. B98 et B103 in Jean-Paul Dumond, op. cit., p. 412 et 415.

55. Simplicius, Commentaire sur le Traité du ciel d’Aristote, 587, 18 in Jean-Paul Dumond, op. cit., p. 396.

56. Fr. B59 à B62 in Jean-Paul Dumond, op. cit., p. 397-399.

57. Simplicius, Commentaire sur la Physique d’Aristote, 371,33 in Jean-Paul Dumond, op. cit., p. 398.

58. Hermippe, Astronomie, recopiée par Jean Catrarès, II, 1, 4, p. 33,15, éd. Kroll-V.) in Jean-Paul Dumond, op. cit., p.841.

59. Ibid.

60. David Depew, “Aristotelian Teleology and Philosophy of Biology in the Darwinian Era” in Connell, Sophia M (ed.). The Cambridge Companion to Aristotle’s Biology. ‎Cambridge University Press, 2021.

61. Voir par exemple : https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_%C3%A9volutive_du_vivant.

62. Aristote, Les Parties des animaux, 731b in OC.

63. Ibid., 731b-732a.

64. Aristote, Physique, 198b in OC.

65. Aristote, Les Parties des animaux, 640a in OC.

66. Ibid., 694b.

67. Ibid., 654b.

68. Galien, Sur les Épidémies d’Hippocrate, VI, 48 in Jean-Paul Dumond, op. cit., p. 270 ; Aristote, La Génération des animaux, 763b-764a in OC.

69. Aristote, op. cit.

70. Minelli, Alessandro. Understanding development. Cambridge University Press, 2021, p. 221.

71. Aristote, op. cit.

72. Ibid.

73. Terme probablement manquant dans l’édition utilisée.

74. Ibid.

75. Cf. article précédent.

76. Aristote, op. cit., 766a.

77. Ibid., 740b.

78. Aristote, Les Parties des animaux, 640b in OC. Cf. article précédent.

79. Aristote, La Génération des animaux, 769b in OC.

80. Aristote, La Locomotion des animaux, 705b in OC.

81. Aristote, Métaphysique, 1049b in OC.

82. Aristote, Traité du ciel, 269a in OC.

83. Aristote, Traité du ciel, 288a in OC.

84. Odile Tresch, « Le destin dans la Grèce antique », Revue des deux mondes, janvier 2009. URL : https://www.revuedesdeuxmondes.fr/article-revue/le-destin-dans-la-grece-antique/. Je souligne.

85. Paul Demont, « Tirage au sort et démocratie en Grèce ancienne », La Vie des idées , 22 juin 2010. ISSN : 2105-3030. URL : https://laviedesidees.fr/Tirage-au-sort-et-democratie-en-Grece-ancienne.html

86. Ibid.

87. Ibid.

88. Ibid.

89. Ibid.

90. Notamment dans Le Politique, 293a-293c, dans La République, 488a-489c ou dans Les Lois 709b-709c, 962e-963b.

91. Platon, Les lois, Livres I à VI, Flammarion, 2006, 757e.

92. Le plus radical dans ce type d’opposition a probablement été John Burnet dans Early Greek Philosophy (1920). Voir, plus récemment, Marcel Conche, « La métaphysique du hasard », Le Portique [En ligne], 9 | 2002, mis en ligne le 15 juin 2005, consulté le 25 mars 2021. URL : http://journals.openedition.org/leportique/180

93. Héraclite, Fragments, Flammarion, 2004, p. 178 (fr. B52).

94. Simplicius, Commentaire sur la Physique d’Aristote, 33, 18 in Jean-Paul Dumond, op. cit., p.385.

95. Cf. article précédent.

96. Simplicius, Commentaire sur la Physique d’Aristote, 327, 24 in Jean-Paul Dumond, op. cit., p. 782.

97. Diogène Laërce, Vies, IX in Jean-Paul Dumond, op. cit., p. 750.

98. Aétius, Opinions, II, XXIII, 7 in Jean-Paul Dumond, op. cit., p.790.

99. Diogène d’Œnoanda, Fragments 33 c 2, éd. William, p. 41 in Jean-Paul Dumond, op. cit., p. 775.

100. Aétius, Opinions, I, XXVI, 2 in Jean-Paul Dumond, op. cit., p. 782.

101. Ian Hacking, The Emergence of Probability, Cambridge University Press, 2006, chapitre 1, §2.              

102. Aristote, Sur l’interprétation, 18a sq. in OC.

103. Aristote, Éthique à Nicomaque, 1112b in OC.

104. Fr. B69, Maximes de Démocrate in Jean-Paul Dumond, op. cit., p. 867.

105. Stobée, Choix de textes, II, IX, 2 in Jean-Paul Dumond, op. cit., p. 890.

106. Ibid., II, IX, 4 in Jean-Paul Dumond, op. cit., p. 890.

107. Fr. B115 in Jean-Paul Dumond, op. cit., p. 421.

108. Aristote, Physique, 196a in OC.

109. Aristote distingue le hasard, qui relève d’un choix, de la spontanéité, qui n’en relève pas. Cette distinction étant obsolète, il n’est pas nécessaire de la détailler dans le cadre de cet article.

110. Ce qui se retrouve chez Aristote, Ibid., 198b : selon les physiciens, « ce n’est pas en vue de cela qu’il pleut, pour qu’il soit gâté, mais cela est arrivé par accident. De sorte que qu’est-ce qui empêche qu’il en aille également ainsi des parties dans la nature, par exemple c’est par nécessité que les dents poussent ». Je souligne.

111. Ibid., 196b.

112. Aristote, Premiers analytiques, 43a in OC.

113. Aristote, Physique, 196b in OC.

114. Ibid.

115. Ibid., 197a.

116. https://plato.stanford.edu/entries/natural-kinds/, sections 2.1 et 2.2.


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