Comment les philosophes concevaient la nature avant Platon et dans quelle mesure leurs vues différaient de celles du polythéisme

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Cet article constitue un chapitre de L’Épopée du concept de nature du VIIIe au IVe siècle AEC

Après avoir étudié plusieurs traits des conceptions religieuses archaïques et évoqué l’éclosion de morales originales avec Archiloque et Solon, intéressons-nous plus en détail à la manière dont les philosophes avant Platon ont envisagé le concept de nature. L’objectif de cet article est de fournir un panorama synthétique des principaux aspects de la nature philosophique. À ce titre, les Sophistes, qui se sont peu adonnés à des spéculations physiques, ne figurent pas dans ce panorama. De plus, nous nous arrêtons avant Platon parce que, d’une part, celui-ci a introduit à la suite de l’universalisme moral de Socrate un idéalisme absent des doctrines précédentes et, d’autre part, il convient chronologiquement d’inclure Leucippe et Démocrite.

Tout en décrivant les caractéristiques de la nature, nous signalerons les continuités et les discontinuités entre les nouvelles manières de concevoir et celles des poètes antérieurs. Comme je l’évoquais en introduction de cette épopée du concept de nature, jusqu’au début du XXe siècle, l’accent a été historiquement plus souvent placé sur les discontinuités, associant la philosophie aux sciences quand bien même celle-ci n’en constitue que les prémices. Par la suite, des philosophes comme Cornford ou Jaeger ont mis en relief des éléments de continuité, parfois de façon excessive. D’un point de vue épistémologique, il me semble intéressant d’avoir à l’esprit à la fois les prolongements et les ruptures entre le polythéisme grec et la philosophie afin de ne pas idéaliser cette dernière ou, inversement, la rejeter pour cause de spéculations non empiriques.

Constitution et développement des choses

Les entités premières

Plusieurs des premiers philosophes, notamment Anaximandre, Xénophane, Héraclite, Parménide ou Empédocle, ont écrit « Sur la Nature »1. Celle-ci se situe au cœur de leurs réflexions, au point qu’Aristote les a qualifiés de physiciens2. Rappelons les deux principales significations de ce terme au temps d’Héraclite :

De quoi les choses sont-elles donc constituées ? Intégralement décomposées, d’une ou plusieurs entités qui ne peuvent être scindées et qui ont été les premières à exister dans l’univers : l’eau, l’air, le feu et la terre, connues sous l’expression des quatre éléments3, le chaud, le froid, le sec et l’humide pour Anaximandre, le limité et l’illimité qui génèrent les nombres pour Pythagore, les homéoméries pour Anaxagore ou les atomes et le vide pour Leucippe et Démocrite.

Ce récapitulatif illustre la diversité des conceptualisations et oppositions théoriques qui émergent avec la philosophie.

Zoomons sur Anaximandre et Les Pythagoriciens. Le premier considère que le chaud et le froid, le sec et l’humide4 sont issus de l’apeiron (littéralement : sans limite), un principe qui est par définition illimité, mais aussi inengendré et à l’origine de toute chose. Anaximandre n’envisage pas le chaud, le froid, le sec et l’humide comme des qualités mais bien comme des entités au même titre que les quatre éléments. Nous verrons qu’Empédocle puis Aristote relient ces deux types d’entités premières.

Selon les Pythagoriciens, tout est nombre5. Les éléments premiers des nombres sont le pair et l’impair auxquels correspondent respectivement l’illimité et le limité. Comme les autres philosophes jusqu’à Platon, les Pythagoriciens ne distinguent pas un monde matériel d’un monde des idées. Dans cette perspective, ils estiment que les nombres permettent de générer les réalités matérielles : suivant la théorie dite de la fluxion ou, en langage contemporain, de la dérivée, une ligne dérive du déplacement ou de la translation d’un point matériel et les figures géométriques dérivent du déplacement de lignes (cf. exemple schéma ci-dessous). C’est le cas notamment des polyèdres réguliers à partir desquels une correspondance est établie avec les quatre éléments6 : tétraèdre (pyramide) – feu ; hexaèdre (cube) – terre ; octaèdre – air ; icosaèdre – eau. Il convient d’ajouter le fameux cinquième élément, la sphère de l’univers qui correspond au dodécaèdre.

Contrairement aux divinités premières du polythéisme, les entités premières des philosophes sont impersonnelles7 et davantage universelles : elles transcendent les frontières de la cité et des alliances entre cités – l’eau, par exemple, se trouve aussi bien en Perse qu’en Grèce ! Pour expliquer leur venue à l’existence ainsi que leur mouvement, Anaximandre fait même l’hypothèse de l’apeiron qui constitue un principe imperceptible. Il est « le principe des choses qui sont […] Ce dont la génération procède pour les choses qui sont, est aussi ce vers quoi elles retournent sous l’effet de la corruption, selon la nécessité ; car elles se rendent mutuellement justice et réparent leurs injustices selon l’ordre du temps8. » Nous reviendrons plus loin sur les aspects éthiques qui apparaissent dans ce fragment. Soulignons d’abord que selon Anaximandre les choses d’un univers sont générées à partir des éléments issus de l’apeiron, puis elles se corrompent pour retourner à la fin d’un cycle cosmique dans l’apeiron. Les entités premières sont expulsées de l’apeiron grâce au mouvement éternel de celui-ci9.

Cosmos et correspondance entre le mot et la chose

Comme les mythes, les investigations sur la nature remontent aux origines de l’univers, désigné sous le terme de cosmos à partir de Pythagore10. Cependant, elles s’engagent dans des spéculations cosmogoniques (naissance du cosmos) et cosmologiques (structuration du cosmos) originales. Concernant le développement de notre univers, tandis que Thalès croit que la Terre flotte sur l’eau, tel un objet en bois, Anaximandre prétend que notre planète a la forme d’un cylindre et qu’elle se trouve « en suspens hors de toute contrainte externe mais immobile à cause de son égal éloignement de toutes choses […]. Les astres sont un cercle de feu, émanation du feu répandu dans le monde et entouré par l’air11. » Anaximandre imagine l’univers comme étant structuré de façon mathématique avec, au centre, la Terre puis, gravitant autour d’elle de façon circulaire les étoiles, la Lune et le Soleil :

Au commencement, selon lui, « l’espace autour de la Terre était d’abord entièrement humide » et « la partie qui s’évapore en s’asséchant sous l’effet du Soleil produit les vents et les phases du Soleil et de la Lune, tandis que la mer est la partie restante12 ». Par la suite, les « animaux sont engendrés < à partir de l’humide > évaporés par le Soleil13. » Les êtres humains, quant à eux, proviennent « d’animaux d’espèce différente, compte tenu du fait que les autres animaux se nourrissent très tôt par leurs propres moyens, alors que l’homme est le seul à réclamer un allaitement prolongé14 ». La pertinence de certaines intuitions d’Anaximandre impressionne autant que le décalage de certaines autres avec les connaissances contemporaines. Il en va de même pour les Pythagoriciens.

Le doxographe Diogène Laërce affirme à un endroit15 que Pythagore aurait été le premier à affirmer la sphéricité de la Terre et à un autre16 que ce serait Parménide. Quoi qu’il en soit, les raisons de la sphéricité de la Terre semblent plutôt liées à une conception de la perfection, associée à l’univers dans son ensemble ou à Dieu, conçus comme sphériques et limités17, ainsi qu’à la notion d’harmonie. Philolaos (Ve siècle) estime que le « premier composé harmonieux, l’Un, qui occupe le centre de la sphère, s’appelle Hestia18. » En plaçant un corps igné au centre du monde, qui n’est toutefois pas le Soleil, il propose une hypothèse radicalement nouvelle par rapport à l’opinion commune d’une Terre située au centre, hypothèse incluse dans une théorie plus vaste dite de l’ « l’harmonie des sphères » : « Puisque les corps célestes, de masse prodigieuse, se déplacent selon des lois régulières, ils produisent des sons prodigieux qui consonent selon leurs distances et leurs vitesses à l’intérieur de l’octave. La correspondance entre les intervalles des sept notes de la gamme de Pythagore jouées sur les sept cordes de la lyre et les distances des sept corps à la Terre sur l’heptachorde cosmique (les cinq planètes connues, le Soleil et la Lune) renforçait l’intuition selon laquelle les nombres commandent tous les ordres de réalité19. »

Les Pythagoriciens, après Anaximandre qui avait déjà développé une théorie s’appuyant sur les nombres, ont littéralement fondé l’intégralité du monde ou cosmos sur les mathématiques, instaurant une correspondance directe entre des concepts mathématiques et des choses supposées (pyramide-feu, cube-terre, etc.). Il me semble que c’est à ce stade de la philosophie que se profile l’idée d’une correspondance entre un mot et une chose. En caractérisant mathématiquement, de façon fixe et précise, les entités premières de l’univers, les Pythagoriciens ont davantage réifié et figé la description ou structure de celles-ci que leurs prédécesseurs.

Analogies avec des processus vitaux et des techniques

Les descriptions du monde que nous venons d’aborder s’inscrivent globalement en rupture par rapport aux représentations religieuses. Néanmoins, elles partagent avec celles-ci une approche généalogique, d’une part en remontant aux origines de l’univers, d’autre part en employant des analogies avec les processus vitaux. Par exemple, Thalès pense que « le tout est animé20 », Anaximandre emploie le terme de « sécrétion » pour décrire la séparation du chaud et du froid de l’apeiron21, Empédocle désigne par « racine » les quatre éléments. Dans l’ensemble, jusqu’à Platon « l’origine de l’univers est comparée à la formation et à la naissance d’un être vivant22. »

Les Pythagoriciens vont au-delà de l’analogie en considérant que le cosmos est lui-même un être vivant qui respire une entité première, l’air ou l’Illimité environnant23. Dans le prolongement d’Anaximène, selon lequel l’âme est constituée d’air, l’âme pythagoricienne, immortelle, est soit formée de grains de poussière flottant dans l’air soit à l’origine du mouvement de celles-ci24. Ainsi, la métaphore de la respiration apparaît centrale dans le pythagorisme car elle relie tous les êtres qui se maintiennent en vie grâce à elle. De surcroît, elle permet d’imaginer une origine au mouvement de façon plus concrète que l’apeiron d’Anaximandre. Elle est reprise par Héraclite qui affirme que l’homme acquiert la raison divine par la respiration25.

La conception de l’univers comme un être vivant, et plus généralement la conception d’un ensemble de phénomènes (planète, groupe social, etc.) comme un être vivant aura une postérité abondante. Elle s’inscrit dans le prolongement direct des mythes archaïques. Il convient de la mettre en regard avec les métaphores d’ordre technique qui, au-delà des investigations physiques et mathématiques, éclosent pour expliquer ce qui échappe à l’observation directe : Anaximandre assimile le Soleil à « une roue de char ayant un moyeu creux, rempli de feu, irradiant de toutes parts, en projetant le feu à travers une petite embouchure comparable au bec d’un soufflet de forge26. » Empédocle, quant à lui, semble penser que la lumière sort de l’œil humain :

Comme celui qui, songeant à sortir, s’arme d’une lampe,
Par une nuit de mauvaise saison, lumière d’un feu brûlant,
Allumant contre les vents de toutes sortes sa lanterne protectrice
Qui disperse le souffle des vents régnants,
Tandis que le feu surgit au-dehors, aussi loin qu’il puisse se porter,
Et brille au-delà du seuil de ses rayons invincibles,
De même, le feu primitif s’est jadis enclos dans de fines membranes,
A engendré la pupille ronde dans ses toiles subtiles
Qui ont été transpercées droit de conduits merveilleux
Et ces tissus retenaient l’eau profonde qui s’écoulait autour de la pupille,
Tout en laissant passer le feu, aussi loin qu’il puisse se porter27.

Déductions et observations

Dans quelle mesure les spéculations précédentes sont-elles fondées d’un point de vue scientifique ? Elles s’appuient sur des déductions étayées parfois, en dehors des mathématiques, par des observations. Les Grecs, comme nous l’examinerons de façon plus détaillée dans un prochain article, ont peu procédé à des expérimentations d’un point de vue scientifique. Passons en revue plusieurs de ces déductions et observations.

Thalès et Pythagore sont restés célèbres pour les théorèmes qui leur ont été attribués. Le second « a systématisé l’arithmétique grecque qui est décimale et nominative, alors que la numération chaldéenne était sexagésimale et de position28. » La légende rapporte aussi que, passant devant l’atelier d’un forgeron, il a reconnu les intervalles de la quarte, de la quinte et de l’octave en entendant les coups portés sur l’enclume, ce qui l’a amené à mathématiser l’harmonie musicale29. « Supposant que les différences des sons étaient liées au poids des marteaux, il pesa ceux-ci et trouva que celui qui rendait l’octave pesait la moitié du plus lourd, celui qui produisait la quinte, les deux tiers, et celui qui donnait la quarte, les trois quarts. En fixant une corde tendue sur le chevalet d’un monocorde, et en la divisant en quatre parties égales, il découvrit aussi que le son produit par trois parties de la corde et la moitié donnait l’accord de quinte30. »

D’autres découvertes mathématiques sont attribuées aux Pythagoriciens, notamment le théorème selon lequel tout triangle a ses angles intérieurs égaux à deux angles droits, ou l’incommensurabilité de \(\sqrt{2}\). On ne saurait sous-estimer l’influence de ces découvertes sur l’émergence de la philosophie.

S’agissant des observations, en plus de celles supposées de Pythagore, nous disposons des témoignages suivants : Thalès affirme le premier que la Lune est éclairée par le Soleil31 ; il avance probablement que l’eau est seule entité première en constatant que « la nourriture de toutes choses est humide, que le chaud même en naît et en vit32 » ou que « les semences de tous les êtres sont humides et toute nourriture est juteuse33 » ; Anaximandre, géographe, soutient que les « vents sont engendrés par la discrimination de l’air et de ses vapeurs les plus légères », et que « la pluie vient de la buée que le Soleil fait sourdre de la terre34 » ; les découvertes des solstices, des équinoxes et de l’horloge lui sont attribuées par Suidas35 ; selon Anaximène l’air « diffère selon les substances du fait de sa raréfaction ou de sa condensation […] se condensant, il devient vent, puis nuage et plus loin encore eau, puis terre, puis pierres36 » ; « l’haleine s’enfroidit quand elle est pressée et serrée des lèvres, mais quand elle sort de la bouche arrière ouverte, alors elle est chaude, à cause de la rareté37 » ; « Xénophane croit qu’il y a union de la terre avec la mer, et que la terre se trouve dissoute au cours du temps par l’humide ; il en avance comme preuve qu’au milieu de la terre et sur les montagnes on trouve des coquillages, qu’à Syracuse, on a trouvé dans les carrières de pierres une empreinte de poisson et de phoque, à Paros, une empreinte de laurier au fond de la pierre et à Malte des coquilles de toutes sortes d’animaux marins38 » ; Anaxagore, enfin, pense prouver que « l’air est quelque chose en pressant des outres et en montrant combien fort est l’air, ainsi qu’en l’enfermant dans des clepsydres39. »

Conceptions d’un monde ordonné

En se penchant sur la constitution et le développement des choses, excepté une approche commune de type généalogique, nous avons surtout énuméré des discontinuités entre polythéisme et philosophie. Nous allons maintenant davantage mettre en évidence des aspects éthiques qui sous-tendent les conceptions des « physiciens », illustrant que la morale, dès les premières spéculations, est inséparable de l’idée de nature pour les Grecs.

Nature, nécessité et justice

Commençons par revenir sur la conception de l’apeiron d’Anaximandre rapportée par Simplicius : celui-ci est « le principe des choses qui sont […] Ce dont la génération procède pour les choses qui sont, est aussi ce vers quoi elles retournent sous l’effet de la corruption, selon la nécessité ; car elles se rendent mutuellement justice et réparent leurs injustices selon l’ordre du temps. » L’idée que des entités matérielles puissent se rendre justice surprend particulièrement un esprit contemporain. Elle s’éclaire si on la rapproche de ce que nous avons examiné dans l’article précédent au sujet de la distribution des honneurs ou statuts dans les poésies d’Homère et d’Hésiode : la répartition se réalise en lien avec le destin, chaque être ne devant pas outrepasser les limites du domaine ou lot qui lui est attribué. Il suffit de remplacer les divinités des poètes par les entités premières des philosophes pour retrouver une logique similaire40 : entre les deux membres d’une paire de contraires [chaud/froid et sec/humide] se déroule une lutte dans laquelle chacun cherche à envahir la province de l’autre. C’est au travers de ce processus d’appropriation illicite que les choses se développent pour ensuite, au terme d’un cycle cosmique, se dissoudre en éléments et réintroduire l’apeiron. Si les entités premières étaient complètement séparées, « un ordre parfait règnerait et aucune chose individuelle n’existerait41. » Cependant, cet ordre n’existe pas et ne peut pas exister à moins d’exclure toute vie organique. La justice ne constituerait donc pas pour Anaximandre un but, une fin qu’il serait possible de mettre en œuvre pleinement dans les sociétés humaines42.

Une répartition des domaines préside de façon semblable à l’ordre mythique et à l’ordre naturel d’Anaximandre. Cependant le second, contrairement au premier, est achevé dès son commencement. En effet, tandis que Zeus n’accède au trône et à la suprématie qu’au terme d’une longue guerre fratricide avec les Titans, l’apeiron, principe éternel et donc antérieur aux entités premières, est présenté comme un être « contenant et gouvernant tout43 ». Un cosmos qui émerge de l’apeiron se trouve donc ordonné et même déterminé dès son commencement, idée que l’on retrouve en particulier chez Démocrite. L’apeiron apparaît de la sorte comme une puissance, ainsi que les entités premières qui s’affrontent. Charles Kahn note à ce sujet que la « métaphore à l’origine du nom ta enantia [opposé, contraire] est celle de guerriers hostiles face à face dans la bataille. […] Même dans le langage du Lycée cette image a été conservée. Si, dit Aristote [s’agissant de sa propre théorie, cf. section suivante], le feu devient air et l’air devient eau, c’est parce que le sec a été dominé par l’humide, le chaud par le froid44. »

Centrale sur le plan moral en Grèce ancienne, la question de la justice se retrouve logiquement au cœur des réflexions philosophiques, quand bien même ces dernières ne traitent pas directement de politique. Elle est en particulier intimement liée au concept de vérité – nous approfondirons ce point dans le prochain article –, ce qui se constate plus spécialement chez Parménide, celui-ci déclarant à propos de l’Être :

Aussi Dikê [justice] lui a, l’enserrant dans ses liens,
De naître ou de périr ôté toute licence :
En fait elle le tient. L’arrêt en la matière
Stipule simplement : il est ou il n’est pas.
Il est donc notifié, de par nécessité,
Qu’il faut abandonner la voie de l’impensé […]45.

Oppositions et mouvement

Bien que les couples d’opposés chaud/froid et sec/humide soient présents chez Anaximandre, la théorie générale selon laquelle « la plupart choses humaines vont par deux46 » est attribuée par Aristote aux Pythagoriciens ou à Alcméon de Crotone qui ont chacun exprimé des avis très proches, ceux du second étant moins structurés que ceux des premiers. Les Pythagoriciens dressent ainsi une liste de dix couples d’opposés47, instructive sur la culture de la Grèce ancienne48 :

L’ordre des éléments d’un couple est important49 : le bien figure en premier, de même que la limite qui, nous l’avons vu notamment chez Hésiode, est considérée positivement, par opposition à l’illimité qui est associé à ce qui excède les limites assignées à un être. Le bien est également associé à la lumière, à l’impair, au masculin ou à la droite, mais aussi au repos, ce qui peut surprendre. Ainsi que nous l’avons déjà remarqué50, une partie des Pythagoriciens estime que la source du mouvement se situe dans l’âme. Selon Alcméon, celle-ci « est immortelle parce que, pareille aux astres dont le mouvement est éternel, en tant qu’il est circulaire et revient toujours sur lui-même, elle se meut toujours51. » Le mouvement parfait, circulaire, revient éternellement à sa position de départ.

Les contraires d’un couple sont dépeints dès Anaximandre comme des puissances s’opposant l’une à l’autre. Cette façon de concevoir devient encore plus manifeste à partir d’Alcméon qui s’est largement consacré à la médecine et qui a, selon Aetius, défendu l’idée que la santé réside dans l’équilibre – le terme exact isonomia fait écho à la politique – de certaines puissances dans le corps humain, et que la maladie provient de la domination (monarchia) d’une d’entre elles52. Aétius fournit comme exemples pour ces puissances, l’humide, le sec, le froid, le chaud, l’amer et le doux. À la suite d’Alcméon, des « doctrines médicales similaires apparaissent fréquemment dans le corpus hippocratique53. » Ainsi, le sang, la bile jaune, la bile noire et le phlegme peuvent être également considérés comme des puissances corporelles.

Sur le plan philosophique, pour appréhender plus précisément l’articulation entre les contraires, il convient de faire appel à Empédocle et à Aristote – Bien que ce dernier soit postérieur à Platon, nous l’évoquons ici à propos de la question précise des entités premières car sa théorie s’inscrit dans le prolongement des premiers philosophes et elle constitue une synthèse éclairante. Empédocle procède à l’association suivante  : feu-chaud ; humide-lumière ; eau-obscurité-froid ; terre-sec54. Aristote, qui considère comme Anaximandre que les couples chaud/froid et sec/humide sont les entités premières55, affine l’association d’Empédocle et y apporte une cohérence. Selon lui, les corps simples dérivent du chaud, du froid, du sec et de l’humide de la manière suivante : le feu est constitué du chaud et du sec, l’air du chaud et de l’humide, l’eau du froid et de l’humide, la terre du froid et du sec56.

Le chaud, le froid, le sec, l’humide et les quatre éléments sont dans l’ensemble conçus avant Platon comme des puissances qui induisent le mouvement, ce qu’attestent notamment les formulations d’Anaximandre, des médecins et d’Aristote ainsi que les observations météorologiques et géologiques de Thalès, d’Anaximandre, d’Anaximène ou de Xénophane. Pour rappel, selon Anaximandre, les entités premières sont expulsées de l’apeiron en raison du mouvement éternel de ce dernier ; selon une partie des Pythagoriciens, l’origine du mouvement réside dans l’âme.

En dehors de Xénophane et de Parménide, qui ont nié catégoriquement l’existence du mouvement et plus généralement du changement, il existe la théorie originale de Leucippe et Démocrite, regardée à juste titre, selon Lloyd, « comme le point culminant de la spéculation présocratique57 ». Soulignons que les atomes de ces philosophes diffèrent sensiblement de ceux de la science contemporaine : outre un arrangement et une position, ils possèdent une forme ou figure alors qu’ils sont insécables par définition. Aristote, pour expliquer ceci, emploie une analogie entre les atomes et les lettres de l’alphabet : « A diffère de N par la figure, AN de NA par l’ordre, Z de N par la position58. » Concernant plus spécialement leurs mouvements, les atomes sont sujets « à des variations et à des déplacements dans le vide59 » dont l’origine n’est pas évidente : Simplicius rapporte à un endroit qu’ils peuvent provenir des « chocs60 » entre eux et à un autre de la « pesanteur qu’ils contiennent61 ». Cependant, une pesanteur n’a été attribuée aux atomes, selon Aétius62, qu’à partir d’Épicure. Aristote affirme63 quant à lui que ce sont certains atomes sphériques composés de feu et d’âme qui sont à l’origine du mouvement, rapprochant ainsi Démocrite des Pythagoriciens, et Cicéron estime64 que le mouvement des atomes n’a pas eu de commencement, qu’il est éternel. Précisons que si la théorie atomiste est certainement celle qui s’apparente le plus à la science contemporaine, elle était rare dans l’Antiquité : « Même un atomiste comme Lucrèce manifeste, dans la conception générale de son poème, que les bases imaginaires de l’ancienne vision qualitative de la Nature n’avaient pas été compromises par un tel démenti abstrait65. »

Au-delà du mouvement, la problématique du changement se dégage comme l’une de celles qui a posé le plus de difficultés aux penseurs de la Grèce ancienne et qui a suscité le plus de controverses. Nous y reviendrons dans un article dédié qui permettra de mettre en relief des discontinuités et des continuités entre l’Antiquité et le monde contemporain.

L’un et le multiple

Si le cosmos est constitué d’entités premières qui s’opposent les unes aux autres, comment peut-il émerger de cette lutte perpétuelle un équilibre voire une harmonie ? Nous avons vu que dans les mythes, les conflits entre divinités n’empêchaient pas l’apparition d’un équilibre qui repose notamment sur l’accouplement des dieux entre eux et sur l’ordre instauré par Zeus. Chez les Pythagoriciens, le concept d’harmonie est fondé musicalement et mathématiquement, la théorie de l’harmonie des sphères permettant de faire le lien avec les astres. Selon Théon de Smyrne, les Pythagoriciens affirment « que la musique est une combinaison harmonique des contraires, une unification des multiples et un accord des opposés66. » Il existe deux interprétations pythagoriciennes67 de la notion d’unité : la première conçoit l’unité comme une conjugaison des entités premières (pair/impair, limité/illimité) ; la seconde est celle de la section précédente dans laquelle l’unité apparaît dans le couple un/multiple au sein de la liste des contraires. Cette seconde interprétation décrit l’unité davantage comme source que comme synonyme d’harmonie, car elle limite le multiple-illimité. L’unité mathématique, on le constate à nouveau, n’est pas distinguée d’une unité entre phénomènes.

L’harmonie ou unité est corrélée un équilibre dans l’opposition des contraires. Dans un tel contexte, on comprend comment Héraclite peut affirmer simultanément un mobilisme universel, fruit de la lutte des opposés, et une harmonie du cosmos que la raison (logos) permet d’appréhender, en particulier par le biais de la respiration qui la met en contact avec la « raison commune et divine68 ». Profitons-en pour noter que la notion de divinité ne disparaît pas avec les philosophies naturelles, elle a plutôt tendance à se singulariser et à se laïciser. Toutefois, il n’est pas évident de savoir dans quelle mesure la plupart des premiers philosophes ont adhéré au polythéisme et s’ils ont conçu leurs principes ou entités premières comme des divinités, encore moins s’ils leur ont voué un culte. Xénophane, par exemple, a clairement parlé d’un Dieu unique et, parallèlement, critiqué les dieux du polythéisme. Selon lui, Dieu est Tout et Un, et « son caractère un se démontre du fait qu’il domine toutes choses69. » L’unité apparaît ici, comme l’unité pythagoricienne, capable d’imposer une limite, mais en plus puissante. De surcroît, elle est principe, première par rapport aux éléments et aux contraires. En tant qu’intellect, elle vient non pas d’une force politique concrète mais d’une compréhension du monde : la connaissance du cosmos amène à reconnaitre son unité et son harmonie qui s’imposent alors d’elles-mêmes à notre raison. On retrouve chez Héraclite et Xénophane la superposition entre les plans divin et humain évoqués à propos des mythes, à ceci près que le plan divin a été transposé dans une certaine mesure en un plan naturel.

Aux conceptions de l’unité d’Héraclite et de Xénophane, plutôt aristocratiques, il convient d’ajouter celle d’Empédocle dont on sait qu’il était pro-démocratie70. Selon lui, « tantôt l’Un augmente jusqu’au point d’être seul existant à partir du Multiple ; et tantôt de nouveau se divise, et ainsi de l’Un sort le Multiple. […] En dehors d’eux la Haine, funeste, exerçant dans toutes directions une pression égale, et, parmi eux, l’Amour, égal et en longueur et en largeur. […] Car tous [les éléments] sont égaux et son nés chacun en même temps ; cependant chacun d’eux remplit son propre rôle et a son caractère : chacun à tour de rôle au cours du temps l’emporte71. » De l’Un qui domine tout à la manière d’un tyran, on est passé à l’égalité démocratique entre les éléments et les principes.

Terminons cet aperçu de l’un et du multiple par une excursion artistique avec un extrait éclairant, d’un point de vue démocratique, des Phéniciennes d’Euripide72 : « l’égalité est pour les mortels une nature ; il y a entre le plus et le moins une éternelle guerre, et c’est pour l’avenir un principe de haine. N’est-ce pas l’égalité qui a donné au genre humain les poids et les mesures, et qui a déterminé le nombre ? La nuit au front obscur, et le brillant soleil parcourent, d’un pas égal, le cercle de l’année ; et le vainqueur n’excite pas l’envie du vaincu. »

Des conceptions coordonnées et controversées

Nous parvenons au terme de ce panorama synthétique du concept philosophique de nature avant Platon, un concept pivot des philosophies pré-Platoniciennes, qui permet d’en dégager une vue d’ensemble. En visant la synthèse, nous n’avons bien entendu pas pu détailler la foule d’oppositions théoriques qui se sont multipliées entre les différents penseurs, seulement en esquisser quelques-unes, en particulier au sujet des entités premières, de la conception du cosmos ou de celle du mouvement. La possibilité de débats critiques existait déjà chez Homère parmi les cercles de guerriers ainsi qu’au sein de la cité dans le cadre de la justice. Avec l’émergence de la philosophie, elle s’étend à des domaines pouvant entrer en concurrence avec les croyances religieuses.

Malgré les antagonismes philosophiques qui se manifestent au cours des VIe et Ve siècles, notamment par écrit, on discerne une approche spéculative commune cherchant à comprendre le monde globalement depuis ses origines. Et cette compréhension inclut l’éthique au cœur même de la physique, ainsi que l’a illustré cette seconde partie. On peut observer avec Aristote que l’étude « de la vérité est d’un côté difficile, de l’autre facile. Preuve en est que nul ne peut l’atteindre comme il convient ni tous la manquer, mais que chacun dit quelque chose sur la nature et, seul, n’ajoute rien ou peu à la vérité, tandis que de tous ensemble naît une œuvre d’importance73. » L’épopée du concept de nature apparaît comme une quête intellectuelle réalisée par de multiples philosophes qui ont chacun apporté leurs réflexions pour appréhender celle qui, selon le mot d’Héraclite, « aime à se cacher74 ».


Notes

1. Comme le rapporte G. Naddaf, The Greek Concept of Nature, SUNY Press, 2012, il n’est pas certain que les traités des premiers philosophes aient possédé un titre avant Empédocle, mais « la vaste majorité des commentateurs, anciens et modernes, s’accordent sur le fait que le but premier des Présocratiques était de produire une historia peri phuseôs [histoire de la nature]. » Je traduis.

2. Pour rappel, phusis ou physis en grec signifie nature.

3. G.E.R. Lloyd, Une histoire de la science grecque, La Découverte, 1990, p. 57 : Empédocle, dernier philosophe de la période considérée dans cet article, « n’utilise pas le mot stocheion, qui allait devenir en grec le terme technique pour « élément », et qui ne s’introduit pas avant Platon, mais il désigne la terre, l’eau, l’air et le feu sous le nom de rhizômata, « racines » ».

4. G. Naddaf, op. cit. : Simplicius « déclare que les opposés en question sont le chaud et le froid, le sec et l’humide, et le reste […]. Cependant le nombre d’opposés distincts postulés par Anaximandre est incertain. Pseudo-Plutarque, dont la source est clairement Théophraste, mentionne seulement le chaud et le froid […] et Aétius confirme cela dans ses Opinions » [Je traduis]. Mentionner deux couples d’opposés plutôt qu’un seul apporte des éléments de compréhension en raison des relations établies par Aristote entre, d’une part, le chaud, le froid, le sec et l’humide et, d’autre part, le feu, la terre, l’air et l’humide.

5. Ibid., p. 229 sq. La principale source fiable à ce sujet est Aristote.

6. Ibid. Je reproduis le schéma élaboré par Guthrie p. 264. Différentes correspondances de type tétrade ont été élaborées par les Pythagoriciens, voir à ce sujet Jean-François Mattéi, Pythagore et les Pythagoriciens, PUF/Humensis, 2017, chapitre VI.

7. Bien qu’impersonnelles, elles peuvent être considérées comme divines, ce qui fut le cas pour Thalès, Anaximandre, Xénophane, etc. Précisons qu’il n’existe pas de rites associés à ces divinités philosophiques, contrairement au polythéisme où les pratiques religieuses jouent un rôle central.

8. B 1, Simplicius, Commentaire sur la Physique d’Aristote, 24, 13 in Jean-Paul Dumond, Les Présocratiques, Gallimard, 1988, p. 39.

9. G. Naddaf, op. cit.

10. Traditionnellement, selon Guthrie, op. cit., p. 208, note I, Pythagore est considéré comme le premier à avoir employé le terme cosmos. Davantage qu’un respect strict d’une histoire du mot, c’est l’idée de cosmos, d’un monde envisagé dans son ensemble, qui importe ici. Et cette idée est déjà présente chez Anaximandre.

11. Hippolyte, Réfutation de toutes les hérésies, I, 6 in Jean-Paul Dumond, Les Présocratiques, Gallimard, 1988, p. 29.

12. Aristote, « Météorologiques », 353b 6 in Œuvres complètes, Flammarion, 2014.

13. A 11, Hippolyte, op. cit., p. 28.

14. A 10, Pseudo-Plutarque, Stromates, 2 in Jean-Paul Dumont, op. cit., p. 28.

15. Vies, VIII, 48.

16. Ibid., IX, 21.

17. Nous avons vu cette idée juste avant avec Anaximandre qui situe la Terre au centre de l’Univers, à égale distance de toutes choses. De plus, selon Xénophane et Parménide, Dieu est sphérique et limité. Voir pour Xénophane A 31, Simplicius, Commentaire sur la Physique d’Aristote, 22, 22 et suiv., et pour Parménide B 37, Aétius, Opinions, I, VII, 26 in Jean-Paul Dumont, op. cit.

18. B 7, Stobée, Choix de textes, I, XXI, 8 in Jean-Paul Dumont, op. cit., p. 505. Hestia est la déesse du feu sacré et du foyer dans le polythéisme grec.

19. Jean-François Mattéi, op. cit.

20. A 23, Aétius, Opinions, VII, II in Jean-Paul Dumont, op. cit., p. 21.

21. Kahn, Charles. Anaximander and the Origins of Greek Cosmology. New York, Columbia University Press, 1960, p. 156.

22. Charles Kahn, op. cit., p. 213.

23. W.K.C. Guthrie, op. cit., p. 200.

24. Aristote, De l’âme, 404a 17 in Ibid., p. 306. Voir aussi W.K.C. Guthrie, ibid.

25. Sextus Empiricus, Contre les logiciens, Les Belles Lettres, 2019, livre I, 129.

26. A 21, Aétius, Opinions, II, XX, I in Jean-Paul Dumont, op. cit., p.34.

27. Aristote, Petits traités d’histoire naturelle, 437b-438a in Œuvres complètes, Flammarion, 2014.

28. Jean-François Mattéi, op. cit.

29. Ibid.

30. Ibid. Selon G.E.R. Lloyd, dans Magic, Reason and Experience: Studies in the Origins and Development of Greek Science, Hackett Publishing Company, 1999, p. 144, les sources de la légende ne sont pas cohérentes concernant l’atelier du forgeron, elles le sont à propos de la corde.

31. A 17a, Aétius, Opinions, II, XXIV, I, in Jean-Paul Dumont, op. cit., p. 21.

32. A 12, Aristote, Métaphysique 983b 24-25 in op. cit.

33. A 13, Simplicius, Commentaire sur la Physique d’Aristote, 23, 21 in Jean-Paul Dumont, op. cit., p. 16.

34. A 11, Hippolyte, op. cit., p. 29.

35. A 2, Suidas, Lexique « Anaximandre » in Jean-Paul Dumont, op. cit., p. 25.

36. A 5, Simplicius, Commentaire sur la Physique d’Aristote, 24, 26 in Jean-Paul Dumont, op. cit., p. 42.

37. B 2, Plutarque, Du premier froid, 7, 947F in Jean-Paul Dumont, op. cit., p. 49.

38. A 33, Hippolyte, Réfutations de toutes les hérésies, I, 14 in Jean-Paul Dumont, op. cit., p. 106.

39. Aristote, Physique,213a 25 in op. cit.

40. Cornford, Francis Macdonald. From Religion to Philosophy: A Study in the Origins of Western Speculation. New York, Longmans, Green and Co, 1912, p. 10.

41. Ibid., p. 11.

42. Havelock, Eric A. The Greek Concept of Justice. From Its Shadow in Homer to Its Substance in Plato. Harvard University Press, 1978, p. 264.

43. Aristote, Physique, Vrin, 2012, 203b, p. 149.

44. Kahn, Charles. Anaximander and the Origins of Greek Cosmology. New York, Columbia University Press, 1960, p. 130. Pour la citation d’Aristote : De la génération et de la corruption, 331a 28-35.

45. B 8, fragment resitué in Jean-Paul Dumont, op. cit., p. 261.

46. Aristote, Métaphysique, 986a 30 in Œuvres complètes, Flammarion, 2014.

47. Ibid., 986a 24-25.

48. Jean-François Mattéi, op. cit. au sujet de cette table : « Depuis le Stagirite, les interprètes se sont montré sévères avec ce mélange « rhapsodique » de déterminations arithmétiques, géométriques, astronomiques, physiques, biologiques et morales à connotations mystiques. Pourtant, ce jeu d’analogies possède une légitimité symbolique liée aux propriétés arithmétiques découvertes par les pythagoriciens et fondée sur leur intuition d’une correspondance universelle des formes de réalité. […] Il n’y a pas moins de rationalité dans la constitution d’une telle table que dans la rationalité qui permet de la mettre en cause dès lors que l’on admet l’unité de l’esprit humain. »

49. W.K.C. Guthrie, op. cit., p. 245.

50. Cf. note 24.

51. Léon Robin, La pensée grecque et les origines de l’esprit scientifiques, Albin Michel, 1973. Édition électronique.

52. Lloyd, G.E.R. Polarity and analogy: two types of argumentation in early Greek thought. Cambridge University Press, 1966, p. 20. URL : https://archive.org/details/polarityanalogyt0000lloy

53. Ibid.

54. B 21, Simplicius, Commentaire sur la Physique d’Aristote, 159, 13, 3-6 in Jean-Paul Dumont, op. cit., p. 382.

55. Aristote, De la génération et de la corruption, 330a 30-33 in op. cit.

56. Ibid., 330b.

57. G.E.R. Lloyd, Une histoire de la science grecque, La Découverte, 1990, p. 62 .

58. Aristote, Métaphysique, 985b 15 in op.cit.

59. Simplicius, Commentaire sur la Physique d’Aristote, 294, 33 in Jean-Paul Dumont, op. cit., p. 767.

60. Commentaire sur la physique d’Aristote, 42, 10 in Jean-Paul Dumont, op. cit., p. 772.

61. Commentaire sur la Physique d’Aristote, 1318,33 in Jean-Paul Dumont, op. cit., p. 778.

62. Aétius, Opinions, I, III, 18 in in Jean-Paul Dumond, op. cit., p. 776.

63. Aristote, De l’âme, 404a in op. cit.

64. Cicéron, Des fins, I, VI, 17 in in Jean-Paul Dumond, op. cit., p. 777.

65. Charles Kahn, op. cit. Je traduis.

66. Théon de Smyrne, Commentaires, éd. Hiller, 12, 10 in Jean-Paul Dumont, op. cit., p. 505.

67. W.K.C. Guthrie, op. cit., p. 246-247.

68. Sextus Empiricus, Contre les logiciens, Les Belles Lettres, 2019.

69. Simplicius, Commentaire sur la Physique d’Aristote, 22, 22 in Jean-Paul Dumont, op. cit., p. 104.

70. Diogène Laërce, Vies, III, 63-66.

71. Simplicius, Commentaire sur la Physique d’Aristote, 157, 25 et 161, 14 in Jean-Paul Dumont, op. cit., p. 379. Je souligne.

72. Euripide, Œuvres complètes, Ici-eBooks, 2014-2020.

73. Aristote, Métaphysique, 993a 30 in op. cit.

74. Thémistius, Discours, V, p. 69 in Jean-Paul Dumont, op. cit., p. 173 : « Nature aime à se cacher. »


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