Cet article constitue un chapitre de L’Épopée du concept de nature du VIIIe au IVe siècle AEC
Venons-en aux trois philosophes les plus renommés dans la tradition occidentale : Socrate, Platon et Aristote. Pour chacun d’eux, nous allons nous focaliser sur une caractéristique, parmi les plus générales, de sa philosophie – l’universalisme pour Socrate, l’idéalisme pour Platon et l’hylémorphisme pour Aristote –, caractéristique que nous articulerons avec l’idée de nature. Nous en profiterons pour nous interroger sur les limites de ces conceptualisations, qui seront mises en regard avec les sciences formelles contemporaines dans le cas d’Aristote. Commençons par un rappel du contexte intellectuel et historique au sein duquel Socrate surgit dans les débats athéniens.
L’universalisme socratique
Rappel du contexte intellectuel et historique
Du VIIe au Ve siècle, les philosophes qui spéculent sur la nature conceptualisent de diverses manières l’universalité des phénomènes1, notamment au travers :
- de la génération et de la corruption du cosmos à partir d’entités élémentaires (eau, chaud/froid, sec/humide, air, limité/illimité…) pouvant être issues de principes (apeiron, Un…) ;
- d’une raison, ou intellect, qui harmonise la lutte entre les contraires ou opposés.
L’universalité physique grecque de cette époque apparaît imbriquée avec l’éthique et plus spécialement avec la justice, cette dernière étant traditionnellement considérée comme équivalente à la vérité, voire prééminente chez Parménide2. Toutefois, dès le Pythagorisme une défiance vis-à-vis des sensations, associée à la foi en la raison-intellect, introduit une distance entre inné et acquis, nature et culture, distance qui n’est pas encore synonyme d’une séparation platonicienne entre intelligible et sensible : les nombres pythagoriciens, de même que l’être parménidien, n’appartiennent pas à un monde différent de celui des réalités terrestres (eau, feu, terre, etc.).
Les Sophistes, bien qu’ils inversent les fondements de la connaissance par rapport aux philosophes, en se référant aux sensations, ne contribuent pas à colmater la brèche entre inné et acquis, ils l’agrandissent en opposant nature et convention. La nature conserve avec eux son universalité philosophique, mais l’éthique perd la sienne au profit d’un relativisme qui s’accorde avec une tradition narrative prenant en considération les perspectives de chacun, avec les débats démocratiques, ainsi qu’avec les désillusions morales résultant de la guerre du Péloponnèse, en particulier les discours politiques faisant prévaloir la puissance sur la justice.
Le relativisme sophiste ne mène cependant pas nécessairement à l’amoralisme. Le mythe du Protagoras3 illustre une volonté, manifeste chez plusieurs Sophistes4, de reconstruire une morale « à partir de l’intérêt bien calculé de l’homme. […] Ce souci de donner à la morale des bases nouvelles pour compenser celles que l’on était en train de lui ôter est donc une tendance commune à l’époque5. »
Les physiciens, les Sophistes et Socrate
Socrate apparaît sur la scène intellectuelle dans ce contexte tumultueux. Nombre d’Athéniens l’assimilent alors aux philosophes spéculant sur la nature ou aux Sophistes. Dans l’Apologie de Platon, il déclare : « mes premiers accusateurs sont encore plus redoutables, Athéniens, car, par l’influence qu’ils ont exercée sur plusieurs d’entre vous depuis que vous êtes enfants, ils vous ont convaincus en lançant contre moi l’accusation suivante, qui ne présente pas un soupçon de vérité : il existe un certain Socrate, un savant, un « penseur » qui s’intéresse aux choses qui se trouvent en l’air, qui mène des recherches sur tout ce qui se trouve sous la terre et qui de l’argument le plus faible fait l’argument le plus fort6. »
Que Socrate ait pu être confondu avec les physiciens, cela peut se comprendre dans la mesure où il a entretenu dans sa jeunesse « une passion extraordinaire pour la forme de savoir qu’on appelle « science de la nature7 », passion qu’il aurait assouvie auprès du philosophe Archélaos, lui-même disciple d’Anaxagore8. Qu’il ait pu être amalgamé avec les Sophistes, cela peut s’expliquer par une proximité méthodologique, via l’emploi d’une dialectique similaire à la rhétorique sophistique, et par une volonté commune de refonder la morale, non étrangère à la distanciation de Socrate par rapport aux physiciens.
En effet, dans le Phédon, Socrate expose l’espoir qu’il a placé dans l’Esprit d’Anaxagore puis la déception éprouvée à la lecture de celui-ci : « je vois un homme qui ne fait rien de l’Esprit, qui ne lui attribue aucun rôle pour expliquer l’ordre des choses, mais en revanche en attribue à l’éther, à l’air, à l’eau, et allègue mille autres explications bizarres9. » Socrate, en revanche, fait jouer à l’esprit ou âme, siège de la raison, le rôle principal dans une philosophie centrée sur « l’être humain10 », plus précisément sur le « souci de la pensée, de la vérité et de l’amélioration de [son] âme11 ». L’homme tel que Socrate le conçoit se divise en une âme immortelle et un corps mortel. Or, selon Platon, « aussi longtemps que nous aurons notre corps et que notre âme sera mêlée à cet élément mauvais, jamais nous ne pourrons posséder l’objet de notre désir d’une manière qui nous satisfasse – et cet objet, nous le déclarons, c’est la vérité12 ».
L’âme socratique conjugue les qualités de l’âme pythagoricienne et de la raison héraclitéenne : immortelle, elle est reliée à une raison commune divine qui, selon Héraclite, « juge de la vérité13 ». Elle prime les sensations corporelles qui fondent la vérité selon les Sophistes, marquant le point de rupture théorique principal entre ces derniers et Socrate. Tandis que les Sophistes s’efforcent de reconstruire une morale à partir d’un monde qu’il ne leur semble pas possible de décrire de manière objective et fixe, Socrate trouve en l’âme un passage menant à des concepts immuables (homme, bien, beau, vertu, justice, etc.) qui lui fournissent l’assise d’un universalisme moral.
Un universalisme moral
Les vérités auxquelles Socrate s’intéresse et qui concernent l’être humain sont, contrairement à celles des physiciens, d’ordre éthique. L’individu qui se soucie de lui-même et donc de son âme tend vers elles mais il ne semble pas en mesure, d’après Platon, de les appréhender pleinement de son vivant. Chez Xénophon, cette limite épistémologique est dépassée grâce à l’illustration pratique : « Persuadé que la tempérance est un bien nécessaire à l’homme qui veut faire quelque chose de beau, [Socrate] commençait par en montrer en lui-même à ses disciples le modèle le plus parfait ; puis, dans ses entretiens, il les dirigeait vers la tempérance de préférence à toute autre vertu14. » Or la sagesse s’identifie à la tempérance, et les vertus « se résument dans la sagesse : car toutes les actions justes et vertueuses sont en même temps belles et bonnes15 ».
Chez Platon, l’idée de bien figure au sommet de l’éthique socratique, au-dessus de la justice16. Le bien « confère la vérité aux objets connaissables17 » et, par sa forme, « les choses justes et les autres choses vertueuses deviennent utiles et bénéfiques18. » Néanmoins, il n’est pas la science car « nous ne connaissons pas cette forme [du bien] de manière satisfaisante19 ». La puissance du bien résiste aux tentatives d’appréhension, elle « s’est réfugiée dans la nature du beau, car la mesure et la proportion réalisent partout la beauté et la vertu. […] le plaisir n’est pas le premier bien ni même le second, mais […] c’est sur la mesure, sur le mesuré, sur l’à-propos et toutes choses pareilles que, nous devons le croire, s’est fixée plus volontiers la préférence20. »
La caractérisation platonicienne du bien en premier lieu comme mesure et proportion rejoint l’accent mis par Xénophon sur la tempérance, et plus généralement une conception aristocratique des vertus, dépeinte par les poésies religieuses21. Concernant l’impossibilité de parvenir à une définition exacte du bien, Xénophon fournit une clé interprétative en assimilant le bien à l’utile, chose que ne fait pas Platon (le bien est utile mais l’utile n’est pas nécessairement bon) : « Faut-il, Euthydème, demande Socrate, rechercher de même la nature du bien ? – Comment faire ? – Crois-tu que la même chose soit utile à tous ? – Non vraiment. – Eh bien ! ce qui est utile à l’un ne te semble-t-il pas parfois nuisible à l’autre ? – Sans doute. – Le bien est-il, selon toi, différent de l’utile ? – Nullement. – Une chose utile est donc un bien pour celui à qui elle est utile ? – Je le crois22. » L’utilité varie en fonction des intérêts de chacun, sa relativité aux perspectives individuelles entrave une conception précise du bien.
Cependant, l’utilité peut aussi s’envisager à partir de la divinité qui constitue un repère transcendant les points de vue individuels : « entre les œuvres dont la destination n’est pas manifeste, et celles dont l’utilité est incontestable, lesquelles considères-tu comme un produit du hasard ou bien d’une intelligence ? […] Ne te semble-t-il donc pas que celui qui, dès l’origine, a fait les hommes, leur a donné dans une vue d’utilité chacun des organes au moyen desquels ils éprouvent des sensations, des yeux pour voir ce qui est visible, des oreilles pour entendre ce qui peut être entendu23 ? » Non seulement la divinité a conféré à l’homme des avantages corporels, « mais, ce qui est le point capital, elle a mis en lui l’âme la plus parfaite.24 » L’âme reconnaît l’existence des dieux, elle est « en état de se prémunir contre la faim, la soif, le froid, le chaud, de guérir les maladies, de développer la force par l’exercice, de travailler pour acquérir la science, de se rappeler ce qu’elle a vu, entendu ou appris25 ? »
Le bien socratique s’avère donc intimement lié, aussi bien chez Platon que chez Xénophon, à une conception de l’être humain privilégiant l’âme et son intelligence par rapport au corps26, et conférant à celle-ci une capacité de le discerner du mal. Par son aspect divin, il ne se limite pas aux frontières de la cité, il rejoint les lois non écrites panhelléniques évoquées précédemment27 : « Connais-tu, Hippias, reprit Socrate, des lois qui ne sont pas écrites ? – Oui, celles qui sont les mêmes dans tous les pays et qui ont le même objet. […] – Qui donc, à ton avis, a établi ces lois ? – Moi, je crois que ce sont les dieux qui les ont inspirées aux hommes ; car chez tous les hommes la première loi est de respecter les dieux28. »
L’idéalisme platonicien
Prolongement de l’universalisme socratique
Aristote, dans sa Métaphysique, résume l’articulation entre l’universalisme socratique et l’idéalisme platonicien : « Mais, comme Socrate s’occupait de questions éthiques et non de la nature dans son ensemble, que pourtant, dans ce domaine, il cherchait l’universel et qu’il a, le premier, arrêté sa réflexion sur les définitions, Platon l’approuva et, à cause de la nature de cette recherche, pensa qu’elle a lieu d’être pour des objets autres que les sensibles et non pour les sensibles29. » L’idéalisme de Platon est corrélé à l’ambition de définir des concepts éthiques fondamentaux, toujours dans l’optique d’ordonner la cité, ce qui constitue le fil rouge de La République, du Politique et des Lois, ses œuvres politiques majeures.
L’existence d’un ordre dans la cité dépend de la présence de la justice dont la définition constitue le thème de La République. Rien d’étonnant à cela étant donné la centralité de la justice dans la culture grecque, sur laquelle nous avons insisté dans les articles précédents. La justice platonicienne est conçue en rapport avec une organisation de la cité, qui ne se résume pas à une constitution politique (oligarchie, démocratie…), au sein de laquelle chaque individu exerce « une fonction particulière […], celle-là même en vue de laquelle la nature l’a fait le mieux doué30. » Les fonctions sociales sont synthétisées en trois groupes « naturels » mis en correspondance avec trois parties de l’âme :
Groupe naturel | Partie de l’âme |
Artisans31 | Principe désirant de l’âme |
Militaires | Cœur, ardeur morale |
Responsables du conseil et de la garde | Principe rationnel de l’âme |
Une hiérarchie ou ordre se dégage de ce tableau grâce à l’analogie entre cité et âme, le principe rationnel de l’âme gouvernant philosophiquement les désirs32. L’ardeur morale peut « prendre les armes33 » pour soutenir la raison, notamment lorsqu’elle survient en la présence d’une injustice. Dans cette perspective « la justice consiste à s’occuper de ses tâches propres et à ne pas se disperser dans des tâches diverses34 », et elle procure aux autres vertus (tempérance, courage, sagesse) le pouvoir de les faire advenir. Toutefois, cette définition n’est elle-même qu’une image de la vraie justice qui consiste en vérité en une « action intérieure, celle qui existe dans un rapport réel à lui-même et à ses tâches : que l’homme juste n’autorise aucune partie de lui-même à réaliser des tâches qui lui sont étrangères, […] mais qu’il établisse au contraire un ordre véritable des tâches propres, qu’il se dirige lui-même et s’ordonne lui-même, qu’il devienne un ami pour lui-même, qu’il harmonise les trois [principes] existant en lui exactement comme on le fait des trois termes d’une harmonie musicale35 ».
En dernier ressort, l’ordre social est légitimé par la supériorité de la raison sur les désirs, de la connaissance sur l’ignorance. Car le pouvoir politique, Platon s’en explique à de multiples reprises au travers d’analogies techniques, ne peut être confié qu’à des experts : de même qu’on ne confie la santé d’une personne qu’à un médecin et la conduite d’un navire qu’à un pilote expérimenté, on recourt idéalement à un philosophe pour diriger la cité de façon vertueuse. Cependant, c’est loin d’être le cas des cités grecques démocratiques du Ve siècle qui, soumises à la « folie de la multitude36 », condamnent à mort les rares philosophes soucieux de sauver la justice. Au final, Platon déplore « qu’aucune organisation parmi les constitutions politiques actuelles ne soit digne du naturel philosophe37. » Mais il garde espoir dans La République qu’une constitution, conforme à l’idée de justice esquissée juste avant, puisse émerger38. Dans Le Politique, il va jusqu’à affirmer qu’une cité qui s’appuierait sur la « science royale », celle du philosophe, n’aurait guère besoin de lois, ces dernières ne pouvant s’adapter à la diversité des intérêts qui varient au gré des circonstances. Toutefois, comme « il ne pousse point de roi dans les cités comme il en éclôt dans les ruches, tout de suite unique par sa supériorité de corps et d’âme, il faut donc, semble-t-il, se rassembler pour écrire des codes en essayant de suivre les traces de la plus véritable constitution39. »
Dans Les Lois, Platon se focalise cette fois sur l’établissement de celles-ci « qui restent un succédané, mais nécessaire, décisif, primordial. La loi, en effet, devient l’intermédiaire entre le monde des idées et celui des humains : à défaut de l’état politique idéal, elle représente ce qui en approche le plus40 ». Platon répond à Thrasymaque en soulignant que les lois sont élaborées dans l’intérêt de la cité dans son ensemble et non dans l’intérêt du plus fort (le gouvernement) ; il répond à Protagoras lorsqu’il déclare que la divinité « doit être la mesure de toutes choses, et cela au plus haut point et beaucoup plus, je suppose, que ne peut l’être l’homme41 ». Alors que les Sophistes avaient pris leurs distances par rapport à la religion et aux traditions morales, au risque de favoriser des guerres civiles, Socrate et Platon s’efforcent de reconstruire une éthique qui inclut la religion, en invoquant toutefois Homère et Hésiode a minima et en les critiquant vertement, notamment parce que leurs poèmes ont tendance à valoriser et à légitimer une violence42 omniprésente dans l’Athènes de la fin du Ve siècle. Selon Platon, « le dieu est réellement bon43 » et il ne laisse pas le cours des choses humaines entièrement au hasard.
Une nature essentialisée, téléologique et améliorable
Si, avant Héraclite puis les Sophistes, le concept de nature était lié à la justice et au destin, en particulier au travers de descriptions métaphoriques, il concernait principalement des phénomènes non politiques et non moraux. Avec Les Sophistes et Thucydide, un tournant moral s’opère qui universalise une « nature humaine » inclinant aux passions et à la violence si elle n’est pas redressée par une éducation adéquate. Socrate et Platon, pour leur part, détachent la notion de nature du corps pour la rattacher à l’âme puis à des idées éternelles, la séparant des passions.
Dans Phèdre, l’âme est décrite métaphoriquement comme « une puissance dans laquelle sont naturellement réunis un attelage et un cocher, soutenus par des ailes44. […] Tout ce qui est âme a charge de tout ce qui est inanimé ; cette âme circule à travers tout le ciel tantôt sous une forme tantôt sous une autre. Quand elle est parfaite, et porte des ailes, elle s’élève dans les hauteurs et gouverne le monde entier ; quand elle a perdu ses ailes, elle est entraînée jusqu’à ce qu’elle saisisse quelque chose de solide ; là, elle établit sa demeure, prend un corps terrestre45 ». Tandis que l’âme s’entremêle au corps, qu’elle comprend une part purement rationnelle, ou intelligible, et une part sensible (ardeur morale et désirs), les idées se situent intégralement hors du monde sensible soumis au temps et au changement – la coupure entre sensible et intelligible constitue l’innovation conceptuelle majeure de Platon. Une chose, quelle qu’elle soit, n’est qu’une copie d’une idée éternelle46. Dans cette perspective, la nature d’une chose correspond à l’idée d’un composant ou aspect de cette chose. De surcroît, en tant qu’idée, la nature est nécessairement belle et bonne : dans sa cosmologie, le Timée, Platon estime que tout ce que le démiurge fabrique, en prenant les idées éternelles pour modèles, « est nécessairement beau [et donc bon] ; au contraire, s’il fixait les yeux sur ce qui est engendré, s’il prenait pour modèle un objet engendré, le résultat ne serait pas beau47. »
Équipés de ces définitions, nous nous attendons à ce que toutes les natures soient bonnes, mais tel n’est pas systématiquement le cas. Par exemple, on peut lire dans Les Lois que « ce qui caractérise surtout la nature de l’homme, ce sont les plaisirs, les douleurs et les désirs, auxquels forcément tout être vivant mortel est tout bonnement comme suspendu et accroché par ses préoccupations les plus sérieuses48. » Cependant, comme nous l’avons souligné, l’homme ne se réduit pas à une nature corporelle, il est aussi doté d’une âme qui définit le mieux ce qu’est l’être humain49 et qui peut contrebalancer les penchants corporels grâce à son principe rationnel. Parler de « la » nature d’une chose induit en erreur car celle-ci peut être décomposée en parties, à l’image de l’être humain :
Dans le cas d’une chose composée telle que l’âme humaine, pour qu’il existe un ordre, définissant un modèle pour le social, la partie rationnelle doit l’emporter. C’est donc dans le rapport entre natures que se dégage une nature unique pour l’homme, positive si la raison l’emporte, négative sinon. Ceci apparaît clairement dans le passage suivant du Timée: « Maintenant, chaque fois que, en vertu de la nécessité, une âme viendrait s’implanter en des corps […], un certain nombre de facteurs devraient intervenir dans la nature humaine : d’abord la sensation devrait de toute nécessité apparaître, la même pour tous les vivants, mise en branle par des impressions violentes, connaturelle ; en second lieu, le désir, un mélange de plaisir et de souffrance ; et en outre, la crainte, la colère et toutes les affections qui s’ensuivent et toutes celles qui sont d’une nature contraire : dominer ces éléments serait vivre dans la justice, et être dominé par eux, vivre dans l’injustice50. »
Nous avons observé que dans La République la nature fonde la justice : celle-ci dépend d’une organisation sociale au sein de laquelle chacun occupe une fonction qui est dans sa « nature », c’est-à-dire, suivant l’analogie cité-âme, une fonction adaptée à son aptitude pour raisonner et pour diriger la cité. La structuration naturelle de la cité permet notamment que celle-ci croisse « comme une cité unique51 », elle détient une finalité. Dans le Timée, cet aspect téléologique (relatif aux fins) de la nature est patent dans les descriptions du corps humain52, par exemple : « pour éviter que, roulant sur la terre qui présente des saillies et des trous de toutes sortes, la tête ne se trouvât embarrassée pour franchir les unes et pour s’extraire des autres, [les dieux] lui donnèrent le corps comme véhicule et comme moyen pour faciliter son transport53. » Dans Le Sophiste, s’opposant à l’opinion que les êtres vivants sont engendrés par une cause naturelle spontanée dénuée d’intellect, Platon pose que « ce qu’on dit être par nature est produit par un art divin, tandis que ce qui, à partir de cela, est composé par les hommes, est produit par un art humain54. »
La valorisation morale de la nature et son aspect téléologique n’excluent pas une appréciation de l’éducation qui occupe une grande partie des dialogues de La République, les connaissances acquises constituant aussi un fondement de la justice car elles permettent de devenir mesuré et d’acquérir « l’idéal du respect de la loi55 ». L’étude des nombres possède même la vertu « d’éveiller celui qui, par nature, est assoupi et peine à s’instruire, de lui donner de la facilité pour apprendre, de la mémoire et de la vivacité d’esprit et de l’amener, grâce ce qu’il y a de divin dans cette discipline, à aller au-delà de sa nature56. » L’éducation peut ainsi conduire une personne à dépasser sa nature, de même que les êtres humains peuvent, de génération en génération, s’améliorer : « La manière d’élever et d’éduquer les enfants, si elle demeure honnête, produit des natures bonnes ; et, à leur tour, des natures honnêtes, quand elles reçoivent une éducation de cette qualité, deviennent meilleures encore que celles qui les ont précédées, comme cela se produit aussi chez les animaux57 ».
Un idéal de connaissance limité
La nature des choses est envisagée par Platon, à la suite de Socrate, dans une optique morale : rappelons que les choses produites par le démiurge qui fabrique le cosmos sont nécessairement bonnes et que le bien « confère la vérité aux objets connaissables ». Les idées platoniciennes, éternelles et immuables, procurent une stabilité à l’éthique qui tranche avec le relativisme sophiste prenant pour vraies les sensations éphémères qui appartiennent au domaine du sensible. Aristote précise que, selon Platon, « la définition commune de l’un quelconque des sensibles est, en effet, impossible, du moins s’ils sont en perpétuel changement58. » Il souligne ainsi un élément capital pour comprendre l’orientation théorique platonicienne, explicité notamment dans le Timée : « De toute évidence, peut être appréhendé par l’intellect et faire l’objet d’une explication rationnelle, ce qui toujours reste identique59. »
Cette image de l’« appréhension » ou « saisie » d’une chose est précisément celle employée dans le Théétète qui, une fois n’est pas coutume, ne traite que de la science. Dans ce dialogue, Socrate examine successivement si la science est la sensation (Protagoras), si elle est l’opinion vraie, puis si elle est l’opinion vraie accompagnée d’une définition. Chaque fois la conclusion est négative. Comme le fait remarquer l’historien de la philosophie Michel Narcy, l’analogie suivante du dialogue explicite la pensée platonicienne : les différentes sciences sont comparées à des colombes capturées et enfermées dans une volière par un individu qui, lorsqu’il souhaite se remémorer une science, ouvre la volière et en saisit une. Le problème vient de ce qu’en attrapant une science, comme elles se croisent en volant, il est possible d’en prendre une à la place d’une autre, et alors de se tromper ! La métaphore peut ainsi s’interpréter de la façon suivante : « la science, c’est de savoir que la science nous échappe60. »
La connaissance ne peut être exacte, soit parce qu’elle vise des idées que seul le sage peut au mieux contempler, non les posséder, soit parce qu’elle traite de phénomènes dont la nature transitoire empêche de les comprendre pleinement. Malgré ces limites, elle demeure la meilleure caution des actions en général, et elle se cultive en particulier grâce aux mathématiques et à une démarche déductive, à partir d’axiomes, ainsi que procède Platon dans sa cosmologie : l’univers est produit à partir d’idées, les éléments matériels premiers (eau, air, feu, terre) étant, dans une veine pythagoricienne, mis en correspondance avec quatre polyèdres réguliers61. Une nouveauté concernant la conceptualisation des idées et de la nature est apportée au cours de l’exposé : au genre du modèle et à celui de la copie issue de ce dernier, est ajouté celui du réceptacle : « tout naturellement il convient de comparer le réceptacle à une mère, le modèle à un père, et la nature qui tient le milieu entre les deux à un enfant62 ». Le réceptacle constitue une « espèce invisible et dépourvue de figure, qui reçoit tout, qui participe de l’intelligible d’une façon particulièrement déconcertante et qui se laisse très difficilement saisir63 ». La nature d’une chose se dévoile sous cette métaphore comme le lien le plus direct entre l’intelligible et le sensible.
L’hylémorphisme aristotélicien
Critique des idées platoniciennes
Aristote n’adhère pas pleinement à la doctrine des idées/copies (=choses). En lieu et place de ces concepts, il élabore le couple forme (morphê)/matière (hylê), typiquement la forme sphérique d’une sculpture en bronze, la forme d’une maison en pierre, etc. On parle alors d’hylémorphisme. La notion de forme aristotélicienne, distincte de la matière, ne tombe pas sous le coup des critiques adressées aux idées, notamment celles d’Aristote concernant la correspondance idée-copie, c’est-à-dire le principe qu’il existe une idée pour chaque chose sensible64. Par exemple, dans sa Métaphysique, Aristote cite à plusieurs reprises l’argument dit du « troisième homme65 » : si l’on considère simultanément un ensemble d’objets grands et la grandeur, en tant qu’idée qualifiant de manière unique les objets grands, il apparaît un nouveau concept de grandeur embrassant celui existant de grandeur ainsi que l’ensemble des objets grands :
Aristote s’appuie aussi sur les notions de genre et d’espèce pour remettre en question la théorie platonicienne des idées : dans celle-ci, « il y aura plusieurs modèles d’une même chose, donc plusieurs formes, par exemple l’animal et le bipède pour l’être humain et, en même temps aussi, l’être humain en soi. En outre, les formes seront les modèles non seulement des sensibles, mais aussi d’elles-mêmes, par exemple le genre sera modèle des formes prises comme espèces du genre, de sorte que la même chose sera modèle et copie66. »
Une critique formulée à l’encontre des Pythagoriciens et de Platon au sujet des nombres fournit un éclairage complémentaire et plus imagé : les nombres sont conçus par les Pythagoriciens comme matériels et par Platon comme intermédiaires entre le sensible et l’intelligible car, à l’exception des nombres premiers, ils se génèrent facilement à partir de l’infini « comme à partir d’une matière molle. C’est pourtant le contraire qui se produit, car ce n’est pas vraisemblable ainsi. En effet, [les Pythagoriciens et Platon] font venir beaucoup de choses de la matière, alors que la forme n’engendre qu’une fois, mais on voit que d’une seule matière vient une seule table, tandis que celui qui applique la forme, même seul, fait beaucoup de tables. Il en est de même pour le mâle relativement à la femelle, car la femelle est fécondée par un seul accouplement, tandis que le mâle féconde beaucoup de femelles ; or ce sont des images de ces principes67. » On retrouve ici la dernière analogie évoquée du Timée, la forme d’Aristote correspondant au modèle platonicien, la matière au réceptacle. La forme, tel un moule, permet de produire plusieurs choses, identiques dans la mesure où elles sont composées d’une même matière.
Remise en mouvement de la nature
Le concept de nature subit lui aussi une évolution conceptuelle tout en conservant une part de l’héritage idéaliste : dans la continuité de Platon, est naturel ce qui n’a pas été fabriqué par des êtres humains ; mais, tandis que la nature platonicienne est le plus souvent envisagée comme une caractéristique figée, celle d’Aristote consiste en premier lieu en « un principe et une cause du mouvement et du repos pour ce dans quoi elle se trouve en premier, par soi et non par accident68 ». Or le principe du mouvement ou du changement, de manière générale, c’est la puissance69 (dunamis), ce qui produit le changement. La puissance peut s’exercer de l’intérieur ou de l’extérieur, autrement dit, il y a la puissance d’affecter ou d’être affecté. Il existe également une indifférence à l’affection70. Lorsqu’elle agit de l’intérieur, « par soi », la puissance correspond à la nature.
Alors que depuis Parménide il existait une tendance philosophique à se focaliser sur la nature en tant que composant figé d’un composé, Aristote remet en avant l’idée de processus de développement d’un être en la généralisant au changement et en l’internalisant. Cette réorientation accompagne la distinction forme/matière, la nature étant composée de forme et de matière. Cependant, il conserve l’aspect téléologique platonicien de la nature. En effet, « dans les réalités où il y a un terme déterminé, c’est en raison de ce terme qu’on accomplit ce qui vient en premier et ce qui vient à la suite. Donc : chacune de ces choses arrive naturellement de la même manière qu’elle est faite par un sujet […]. Or ce qu’on fait on le fait en vue de quelque chose. Donc ce qui arrive par nature aussi arrive en vue de quelque chose71. » De surcroît, « puisque la nature est double, matière d’un côté, figure de l’autre, que celle-ci est fin, et que tout le reste est en vue de la fin, la nature comme forme sera la cause en vue de quoi72. » Recourant à une analogie significative avec le langage, Aristote souligne le caractère téléologique de la forme : « la chair et l’os en puissance n’ont pas encore leur nature ni ne sont des natures avant qu’ils n’aient reçu la forme selon la définition, par laquelle nous disons dans des définitions ce que sont la chair et l’os. De sorte que, d’une autre manière, la nature serait la figure et la forme (non comme étant séparables, si ce n’est par la raison) des choses qui ont en elles-mêmes un principe de mouvement73. » D’où « la forme est nature de la matière74 », elle préfigure ce qui n’est encore qu’à l’état de possibilité, autrement dit ce qui est en puissance, par opposition à ce qui est en acte, ce qui a reçu sa forme.
Remarquons que les philosophes depuis Thalès jusqu’à Aristote, malgré des interprétations parfois très différentes du concept de nature, se rejoignent sur un aspect qui ne ressort pas directement de ses deux significations au temps d’Héraclite (composant, processus de développement) : la nature détermine en tout ou partie l’existence d’un être, vivant ou non, et cette détermination hérite en partie des notions de destin et de nécessité des poésies archaïques, le destin attribuant un lot et des limites à chacun. Si, chez certains philosophes, la nature comporte une part de hasard, cette part se trouve limitée par les nécessités et les finalités naturelles, que la théorie s’appuie ou non sur une forme de divinité. En particulier, chez Démocrite, le hasard émerge de la nécessité qui régit le mouvement des atomes et la production des êtres75. Ainsi, philosophiquement, les nécessités et les finalités naturelles limitent la liberté. Si donc Aristote remet en mouvement le concept de nature parce qu’il lui attribue la signification d’un principe interne de changement, ce n’est pas pour autoriser n’importe quel changement ou mouvement : les actions des êtres demeurent encadrées par la nature, celle-ci déterminant aussi bien les objets inanimés que les êtres vivants, et comportant toujours une part importante d’éthique, élément que nous approfondirons dans l’article dédié au changement.
Une forme substantielle, téléologique, unitaire et éternelle
Revenons sur les concepts de forme et de matière. La forme est non seulement associée à la finalité des êtres mais aussi à leurs causes premières étudiées dans la Métaphysique. Celles-ci se réduisent à une cause : l’Être76 qui est substance qui est forme. Bien qu’il ne soit pas à proprement parler un prédicat, un universel, l’Être unifie la multiplicité des êtres, vivants ou non, en étant situé à l’origine de toute existence. « Puisqu’il faut avoir connaissance de la chose et qu’elle doit d’abord exister, on cherche bien évidemment pourquoi la matière est quelque chose, par exemple pourquoi ces matériaux-ci sont-ils une maison ? Parce qu’il leur appartient ce qui est l’être d’une maison. Et pourquoi ceci est-il un humain, ou pourquoi ceci qui possède ce corps est-il un humain ? En conséquence, on cherche la cause de la matière, c’est-à-dire la forme par laquelle quelque chose est, c’est-à-dire la substance77. » L’existence provient donc de la forme-substance qui représente simultanément l’origine et la fin des êtres.
En tant qu’unité, la forme constitue une totalité indivisible, et elle individualise : c’est la forme de la sculpture qui lui confère son individualité, non sa matière. Elle est de surcroît éternelle : « arrondir le bronze, ce n’est produire ni l’arrondi ni la sphère, mais c’est produire une chose différente, par exemple cette forme dans autre chose ; de fait, s’il y a production, on produira à partir d’autre chose, car cela servait de substrat78. » La forme éternelle permet d’individualiser mais aussi, comme nous l’avons déjà noté, de produire des choses identiques. Sa substantialité téléologique, son unité et son éternité, qui la distinguent de la matière, rapprochent considérablement Aristote de Platon et, dans un même temps, distancient le premier des sciences contemporaines. En effet, au sein de celles-ci sont qualifiées de formelles les disciplines qui considèrent des objets logico-mathématiques dont le problème de l’existence est laissé à la philosophie. Forme aristotélicienne et forme scientifique contemporaine sont donc sensiblement différentes. Prenons deux exemples d’ordre logico-mathématique pour illustrer ce point.
Les nombres sont, pour Platon, composés de sensible et d’intelligible et, pour Aristote, de forme et de matière79. Ils ne sont donc pas formels au sens contemporain mais envisagés comme générés, dans la lignée des Pythagoriciens, à partir du couple d’opposés limité/illimité80. Or, selon Aristote, l’infini, divisible et continu81, est associé à la matière, contrairement à la forme qui est indivisible. De plus, en accord avec ce qui précède, l’infini n’existe pas pleinement (i.e. en acte) car sinon il posséderait une forme, il serait achevé, limité. L’inexistence de l’infini a constitué un dogme qui a été difficilement remis en question par le mathématicien Georg Cantor à la fin du XIXe siècle : « Étant un homme très religieux, Cantor se demandait s’il avait le droit de discuter l’infini actuel. Badiou cite même une lettre que Cantor a écrite au Pape pour lui demander la permission d’étudier cet infini82. »
Le second exemple concerne les universels qui sont, comme les nombres, composés de forme et de matière et sont des constituants de l’Être, donc de la forme : « l’universel se dit toujours d’un substrat [composé de matière]. Mais est-ce donc qu’il ne peut être comme l’être ce que c’est alors qu’il peut en être un constituant, par exemple « animal » dans « être humain » et dans « cheval » ? 83 » Au travers de ces deux exemples on appréhende une limite majeure, sur le plan scientifique, de l’hylémorphisme aristotélicien.
Le savoir, une fin en elle-même ?
Les innovations conceptuelles de Socrate, Platon et Aristote évoquées ici sont considérables, d’autant plus si on souligne qu’elles se sont déroulées en l’espace d’un siècle. Elles ont notamment contribué à une première formalisation de la logique par Aristote, à une nouvelle conceptualisation du mouvement, sur laquelle nous reviendrons, ou encore à la naissance de la philosophie politique. Leurs limites reflètent un traditionalisme à la fois politique et épistémologique, qui manifeste les difficultés de parvenir à une neutralité d’analyse concernant les notions les plus générales, surtout lorsque celles-ci contribuent à la description des comportements humains.
L’absence de neutralité chez ces trois philosophes majeurs, qui ne surprend pas quand on a étudié le contexte historique dans lequel ils ont pensé (cf. articles précédents), interroge concernant la caractéristique principale du bonheur qu’ils mettent en avant : la contemplation des idées ou méditation. Selon Aristote, la méditation, plaisir pour le sage, « est la seule activité à laquelle on tienne pour elle-même. On n’en tire en effet rien, hors le bénéfice de méditer, tandis que des activités liées à l’action, nous tirons avantage, tantôt plus, tantôt moins, en dehors de l’action84. » Que l’activité intellectuelle procure un plaisir grâce aux intuitions compréhensives qu’elle génère, cela ne fait guère de doute. Cependant, pourquoi ce plaisir serait-il supérieur aux autres ? Parce qu’il ne dépend pas des autres et plus généralement des conditions extérieures ? Cela est, nous le savons de nos jours, erroné vu l’immensité du savoir scientifique, sauvegardé de génération en génération au sein de bibliothèques dorénavant amplement numérisées. L’idée même d’une supériorité de l’activité intellectuelle par rapport à l’activité physique est corrélée à une tradition philosophique aristocratique qui a contribué à façonner par la suite les conceptions politiques. En constatant combien les méditations de Socrate, Platon et Aristote n’étaient pas dépourvues de motivations éthiques, peut-être en partie inconscientes, on peut se poser la question suivante, toujours d’actualité, qui attise les passions : le désir d’apprendre et de comprendre peut-il être déconnecté d’intérêts, du moins d’orientations morales délibérées, qui ont été sélectionnés dans un contexte historique, social et psychologique ?
Notes
1.↑ Cf. Comment les philosophes concevaient la nature avant Platon et dans quelle mesure leurs vues différaient de celles du polythéisme.
2.↑ Cf. Justice, vérité et nature dans la Grèce du Ve siècle AEC.
3.↑ Ibid.
4.↑ Protagoras, Prodicos, Anonyme de Jamblique. Voir à ce sujet Jacqueline de Romilly, Les Grands Sophistes dans l’Athènes de Périclès, Éditions de Fallois, 1988, p. 285 sq.
5.↑ Ibid., p. 294.
6.↑ Platon, Apologie de Socrate, Flammarion, 2017. Cf. Les Nuées d’Aristophane.
7.↑ Platon, Phédon, 96a in Phédon, Le Banquet, Phèdre, Gallimard, Les Belles Lettres, 1983 pour Phédon, 1989 pour Le Banquet, 1985 pour Phèdre, p. 64.
8.↑ Léon Robin, La pensée grecque et les origines de l’esprit scientifique, Albin Michel, 1973.
9.↑ Platon, op. cit., 98 b-c, p. 67. Voir aussi Xénophon Mémorables de Socrate, Manucius, 2012, live IV, ch. VII.
10.↑ Platon, Apologie de Socrate, op. cit. Xénophon, op. cit., livre I, ch. IV.
11.↑ Ibid.
12.↑ Platon, Phédon, op. cit., 66 b-d, p. 26.
13.↑ Sextus Empiricus, Contre les logiciens, Les Belles Lettres, 2019 : « La raison dont il [Héraclite] déclare qu’elle est juge de la vérité n’est pas n’importe laquelle, mais la raison commune et divine. »
14.↑ Xénophon, op. cit., livre IV, ch. V.
15.↑ Xénophon, op. cit., livre III, ch. IX.
16.↑ Platon, La République, Flammarion, 2004, 504d, p. 346.
17.↑ Ibid., 508b, p. 352.
18.↑ Ibid., 505a, p. 346.
19.↑ Ibid.
20.↑ Platon, Philèbe, Les Belles Lettres, 1949, 64e-66a.
21.↑ Cf. Avant la nature philosophique, un monde animé et ordonné.
22.↑ Xénophon, op. cit., livre IV, ch. VI.
23.↑ Ibid., livre I, ch. IV.
24.↑ Ibid.
25.↑ Ibid.
26.↑ Le corps n’en est pas pour autant négligé, son entretien est nécessaire.
27.↑ Cf. Justice, vérité et nature dans la Grèce du Ve siècle.
28.↑ Ibid., livre IV, ch. IV.
29.↑ Aristote, Métaphysique, 987b 1-15, in Œuvres complètes, Flammarion, 2014.
30.↑ Platon, La République, Flammarion, 2004, 433a, p. 237.
31.↑ Le groupe des artisans comprend en fait toutes les activités (agriculture, artisanat, commerce, salariat…) qui ne ressortissent pas à l’armée ou à la direction politique.
32.↑ Ibid., 441e, p. 252 : « Donc, c’est au principe rationnel qu’il revient de commander, puisqu’il est sage et qu’il possède la capacité de penser avec prévoyance pour la cité tout entière, alors qu’il revient au principe de l’ardeur du cœur de se soumettre au principe rationnel et de faire alliance avec lui pour combattre à ses côtés ».
33.↑ Ibid., 440e, p. 250.
34.↑ Ibid., 433a, p. 237.
35.↑ Ibid., 443d, p. 255.
36.↑ Ibid., 496d, p. 333.
37.↑ Ibid., 497b, p. 334.
38.↑ Ibid., 499d, p. 338.
39.↑ Platon, Le Politique, Les Belles Lettres, 1935, 301d-e.
40.↑ Platon, Les Lois, Livres I à VI, Flammarion, 2006, 716 c.
41.↑ Jacqueline de Romilly, La loi dans la pensée grecque, Les Belles Lettres, 2002, p. 195.
42.↑ Platon, La République, op. cit., 378 b, p, 153 : « Il ne faut pas raconter non plus […], absolument pas, que les dieux font la guerre aux dieux, qu’ils tendent des pièges, qu’ils battent – rien de cela en effet n’est vrai. »
43.↑ Ibid., 379a, p. 154.
44.↑ Platon, Phèdre, 246 a in Phédon, Le Banquet, Phèdre, op. cit., p. 190.
45.↑ Ibid., 246 b-c, p. 191.
46.↑ Pour un exposé clair et synthétique, voir Jean-François Mattéi, Platon, PUF, 2011, p. 45.
47.↑Platon, Timée, Critias, Flammarion, 2017, 28a.
48.↑ Platon, Les Lois, livres I à VI, op. cit., 732e.
49.↑ Platon, Alcibiade, Flammarion, 2000, 130c, p. 173 : « puisque ni le corps ni l’ensemble [âme + corps] n’est l’homme, je crois qu’il reste que l’homme n’est rien ou bien, s’il est quelque chose, il faut reconnaître que ce ne peut être rien d’autre que l’âme. » L’affirmation se trouve aussi dans Les Lois, 726a.
50.↑ Platon, Timée, Critias, op. cit., 42 a-b.
51.↑ Platon, La République, op. cit., 423d, p. 220.
52.↑ Platon, Timée, Critias, op. cit., 44d sq. ; 69d sq.
53.↑ Ibid., 44 d-e.
54.↑ Platon, Le Sophiste, Librairie Générale Française, 2019, 265e.
55.↑ Ibid., 425a, p. 223.
56.↑ Platon, Les Lois, livres I à VI, op. cit., 747b.
57.↑ Platon, La République, op. cit., 424a, p. 221.
58.↑ Aristote, Métaphysique, 987 b 1-15, in op. cit.
59.↑ Platon, Timée, Critias, op. cit., 28a.
60.↑ Michel Narcy, Introduction à Platon, Théétète, Flammarion, 2016.
61.↑ Jean-François Mattéi, Platon, op. cit., p. 75.
62.↑ Platon, Timée, Critias, op. cit., 49d.
63.↑ Ibid., 51 a-b.
64.↑ Aristote, Métaphysique, 1079a inAristote, Œuvres complètes, op. cit. : « En effet, les formes sont, pour ainsi dire, plus nombreuses que les sensibles singuliers dont ils cherchent les causes et d’où ils sont partis pour arriver aux formes ; car, pour chaque chose, même en dehors des substances, il existe une <forme> homonyme des autres choses dont il y a l’unité d’une multiplicité, qu’elles soient d’ici ou éternelles. »
65.↑ Argument exposé dans Platon, Parménide, 132 a-b. Voir aussi, Métaphysique, 1086b 15, l’analogie avec les syllabes des mots.
66.↑ Aristote, Métaphysique, 1079b in Aristote, Œuvres complètes, op. cit.
67.↑ Aristote, Métaphysique, 988a in Aristote, Œuvres complètes, op. cit.
68.↑ Aristote, La Physique, Vrin, 2012, 192b, p. 103.
69.↑ Joseph Souilhé, Étude sur le terme dynamis dans les dialogues de Platon, F. Alcan, 1919, p. 170 : dans sa Métaphysique, « Aristote distingue minutieusement les diverses acceptions de dunamis et indique quelle est, à son avis, l’idée première de la notion : « La dunamis, dit-il, désigne d’abord le principe du mouvement ou du changement, dans un autre être, ou dans le même en tant qu’il est autre ». »
70.↑ Aristote, Métaphysique, 1046a in Aristote, Œuvres complètes, op. cit.
71.↑ Aristote, Physique, 199a in Aristote, Œuvres complètes, op. cit.
72.↑ Ibid.
73.↑ Ibid., 193b.
74.↑ Ibid.
75.↑ A 1, Diogène Laërce, Vies, IX, 45 et A 50, Diogène d’Œnoanda, Fragments, 33c 2 in Jean-Paul Dumond, Les Présocratiques, Gallimard, 1988.
76.↑ Aristote, Métaphysique, 1003a in Aristote, Œuvres complètes, op. cit. : « Il y a une science qui étudie l’être, en tant qu’être, et les propriétés qui appartiennent à cet être par soi. Cette science n’est identique à aucune de celles qu’on appelle partielles, car aucune des autres n’examine en totalité l’être, en tant qu’être, mais elles en découpent une partie et étudient à son sujet le coïncident par soi, comme font les sciences mathématiques. Or, puisque nous cherchons les principes, c’est-à-dire les causes les plus hautes, à l’évidence il est nécessaire qu’ils relèvent de ce qui est une nature par soi. » Je souligne.
77.↑ Aristote, Métaphysique, 1041b in Aristote, Œuvres complètes, op. cit. Je souligne.
78.↑ Ibid., 1033 a-b.
79.↑ Ibid., 1061b : « la mathématique conduit son étude sur une partie de la matière qui lui est propre en l’isolant, par exemple sur les lignes, les angles, les nombres ou n’importe laquelle des autres quantités, non en tant qu’êtres, mais en tant que chacune d’elles est un continu à une, deux ou trois dimensions. »
80.↑ Cf. article sur la nature avant Platon pour les Pythagoriciens.
81.↑ Aristote, Physique, 207a in Aristote, Œuvres complètes, op. cit. : « l’infini c’est la matière dans l’achèvement de la grandeur, c’est-à-dire la totalité en puissance, mais pas en entéléchie, mais qui est divisible à la fois dans le processus d’exhaustion et dans celui inverse d’addition ».
82.↑ Mima Džamonja, Théorie des ensembles pour les philosophes, Éditions universitaires européennes, 2017, p. 22.
83.↑ Ibid., 1038b.
84.↑ Aristote, Éthique à Nicomaque, 1177b in Aristote, Œuvres complètes, op. cit.