La rationalité selon Max Weber : raison désenchantée et idéal sociologique

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Après avoir évoqué les raisons antiques et modernes, penchons-nous sur le concept de rationalité chez Max Weber, père fondateur de la sociologie en Allemagne au même titre que Durkheim en France. Juriste de formation, Weber se tourne rapidement vers les questions d’économie et de politique sociale. À trente ans, il est « nommé professeur d’économie à l’université de Fribourg, puis quelques années plus tard à celle de Heidelberg1 », mais il doit abandonner l’enseignement pour raisons de santé. Il poursuit alors des analyses sociologiques sur l’économie, les religions, le droit… et s’oriente vers l’épistémologie, réfléchissant notamment sur la définition de la science sociale.

Pour appréhender la rationalité wébérienne, il me semble intéressant d’avoir à l’esprit des éléments du contexte historique et intellectuel qui l’a vu naître, plus spécialement des notions économiques dont celle de valeur, centrale également dans l’épistémologie du sociologue allemand. Ensuite, nous évoquerons les difficultés associées aux idées de rationalité et de valeur, puis nous expliciterons l’idéalisme sous-jacent à leur conceptualisation.

Économie, politique et valeurs culturelles

Économie vs. politique

Dans l’article précédent, j’ai souligné le développement du commerce, de l’agriculture et de l’industrie au XVIIe et au XVIIIe siècle, un développement perçu de façon ambivalente par les philosophes des Lumières. L’expansion économique s’est amplifiée au XIXe siècle, à tel point qu’Adolphe Blanqui a forgé l’expression « révolution industrielle » en 1837 pour la décrire. Qu’elle contribue à l’accroissement des richesses ou à la dégradation des conditions de travail2, la révolution industrielle place les questions économiques au cœur des préoccupations sociales. Le matérialisme historique de Karl Marx, en établissant la production comme infrastructure de la société, reflète l’importance prise par l’économie dans les nations occidentales en l’espace d’un siècle.

Max Weber, pour sa part, s’oppose « à tous ceux qui voient dans l’économie, sous une forme ou une autre, l’élément qui serait en dernière analyse déterminant de la politique, au sens où cette dernière ne serait que l’expression ou une superstructure des phénomènes de production3. » Dans L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, il qualifie le matérialisme historique de « doctrine simpliste4 » et fait « remarquer que l’ « esprit du capitalisme » […] existait sans nul doute dans le pays qui a vu naître Benjamin Franklin, le Massachusetts, avant que ne se développe l’ordre capitaliste. Dès 1632, des doléances s’étaient élevées contre l’excès du calcul dans la poursuite du profit, propre à la Nouvelle-Angleterre qui se distinguait ainsi des autres contrées de l’Amérique5 ».

Ce faisant, Weber n’insinue aucunement que l’économie ne joue pas un rôle social de premier plan ou que les facteurs économiques ne sont pas des causes sociales. Il estime que dans tout domaine de « manifestations humaines culturelles, la réduction aux seules causes économiques n’est exhaustive en aucun sens, pas même dans celui des phénomènes « proprement économiques6 ». » L’imputation causale dépend, pour tout phénomène donné, de la signification de ses éléments spécifiques, une signification d’ordre culturel, qui ne se limite donc pas à une sphère particulière de la vie.

Non seulement les faits sociaux ne sauraient se réduire selon Weber à l’économie, mais l’activité économique, en plus de dépendre étroitement de facteurs politiques comme les institutions ou les ressources disponibles d’une nation, doit se mettre au service de la politique : « Les processus du développement économique sont finalement des luttes pour la puissance ; les intérêts de puissance de la nation sont, chaque fois qu’ils se trouvent mis en question, les intérêts ultimes et décisifs au service desquels la politique économique doit se mettre7 […]. »

Ce type de discours reflète la pensée de l’école historique allemande, courant économique nationaliste qui critique la conception d’Adam Smith selon lequel, nous l’avons vu, l’harmonie sociale est créée par une « main visible » tandis que chacun recherche son intérêt personnel. En particulier, Karl Knies fait ressortir des incohérences entre les deux œuvres majeures de Smith : dans La richesse des nations, les êtres humains agissent en fonction de leur seul intérêt alors que dans le Traité des sentiments moraux le bonheur ne se réduit pas à la seule accumulation de richesses8.

La valeur économique

Max Weber ne s’inspire pas que de l’école historique allemande, il puise également9 dans le marginalisme autrichien concernant le versant scientifique de l’économie, notamment s’agissant du concept de valeur, central dans ses théories et sur lequel il convient de s’attarder un minimum. Adam Smith a posé les bases de l’économie classique en considérant que la valeur économique des marchandises est principalement issue du travail humain et en conseillant de n’entraver politiquement ni la liberté d’entreprendre ni la concurrence.

Au XIXe siècle, le concept d’utilité, employé depuis l’Antiquité, s’impose comme facteur explicatif principal de la formation des prix. Il a été conceptualisé au XVIIIe siècle, notamment par Bernouilli et par Condillac. Ce dernier l’a expliqué de façon simple et imagée : « même sur les bords d’un fleuve, l’eau a une valeur, mais la plus petite possible, parce qu’elle y est infiniment surabondante à nos besoins. Dans un lieu aride, au contraire, elle a une grande valeur ; et on l’estime en raison de l’éloignement et de la difficulté de s’en procurer. En pareil cas un voyageur altéré donnerait cent louis d’un verre d’eau, et ce verre d’eau vaudrait cent louis. Car la valeur est moins dans la chose que dans l’estime que nous en faisons, et cette estime est relative à notre besoin : elle croît et diminue comme notre besoin croît et diminue lui-même10. »

Les économistes William Stanley Jevons et Carl Menger précisent la notion d’utilité en s’appuyant sur les lois de Gossen : la première postule que lorsque la quantité d’un bien que l’on possède augmente, la satisfaction augmente elle aussi, mais de moins en moins au fil des acquisitions. Par exemple, quand on détient déjà trois paquets de riz, l’achat d’un quatrième paquet procure une satisfaction moindre que l’achat du troisième. La seconde loi précise que la satisfaction est maximale lorsque l’utilité d’une quantité supplémentaire est égale à l’utilité sacrifiée pour son acquisition, le plus souvent en argent. Poursuivant l’exemple précédent, la satisfaction est maximale lorsque l’utilité du paquet de riz supplémentaire acheté est égale à l’utilité de la somme d’argent, disons 1,5€, dépensée pour l’achat de ce paquet.

L’utilité d’une quantité supplémentaire est dite « marginale », donnant son nom au courant du marginalisme qui aboutit à la pensée néoclassique. Celle-ci n’est pas monolithique. Carl Menger, fondateur de l’école autrichienne, contrairement à Léon Walras qui suppose des individus homogènes, « affirme l’hétérogénéité fondamentale des agents économiques. Il montre que la valeur d’un bien est fonction non pas des caractéristiques objectives de ce bien mais de l’idée qu’un individu se fait de la satisfaction qu’il peut en tirer ou croit pouvoir en tirer. Les individus sont tous différents en termes de préférence et de choix. Ce sont des sujets hétérogènes qui doivent être étudiés comme tels11. » Ainsi, évaluer une « utilité » n’est pas évident dans la mesure où cette utilité est subjective, qu’elle dépend d’une évaluation personnelle.

Qu’il s’agisse de la conception classique ou de la conception néoclassique de l’économie, la notion de valeur économique s’appuie donc sur des hypothèses morales (non neutres), par exemple : la valorisation morale du travail, celle des satisfactions individuelles, chaque individu étant considéré comme différent des autres, ou l’hypothèse d’une concurrence que les actions politiques ne brident pas.

Max Weber est pleinement conscient de l’absence de neutralité de la science nouvelle que constitue l’économie : « L’économie politique […] a été originellement, du moins d’après le centre de gravité de ses discussions, une « technique », c’est-à-dire elle considérait les phénomènes de la réalité sous un point de vue pratique de valeur [Wertgesichtspunkt] stable et au moins apparemment univoque [eindeutig] : celui de l’accroissement de la « richesse » de la population d’un État. D’un autre côté, dès l’origine, elle n’a pas seulement été une « technique », car elle s’est trouvée incorporée dans la puissante unité de la conception du monde du XVIIIe siècle, rationaliste et orientée d’après le droit naturel. Cependant la nature particulière de cette conception du monde, avec sa foi optimiste en la possibilité de rationaliser théoriquement et pratiquement le réel, a eu une conséquence essentielle : elle forma obstacle à la prise de conscience du caractère problématique du point de vue qu’elle présupposait comme évident12. »

Idéaltype et valeurs culturelles

Ce n’est pas la scientificité de l’économie que Weber vise dans cette critique et les lignes qui la prolongent, mais la prétention des naturalistes à calquer les méthodes économiques sur celles des sciences de la nature, en particulier à établir des lois comparables aux régularités de la physique. En lieu et place de la démarche naturaliste, Weber propose d’atteindre une « objectivité » grâce à l’examen des « idées de valeur dominant le savant et une époque qui les déterminent13 ».

Qu’est-ce qu’une « valeur » ? La réponse n’est pas évidente : « Depuis la scolastique jusqu’à la théorie de Marx deux idées se sont enchevêtrées dans cette notion, d’une part celle d’« objectivement » valable, c’est-à-dire celle d’un devoir-être, et d’autre part celle d’une abstraction à partir du processus empirique de la formation des prix. Ainsi l’idée que la « valeur » des biens devrait être réglée sur certains principes du « droit naturel » a eu une importance incalculable pour tout le développement de notre civilisation ‒ pas seulement au Moyen Âge – et elle continue à l’avoir de nos jours. […] Cependant ce n’est que grâce à une construction rigoureuse des concepts, c’est-à-dire grâce à l’idéal-type, que l’on peut réellement élucider sans équivoque ce que l’on entend et que l’on peut entendre par le concept théorique de la valeur14. »

La valeur est donc un idéaltype15, c’est-à-dire, selon Weber, un « tableau de pensée » qui « n’a d’autre signification que d’un concept limite [Grenzbegriff ] purement idéal, auquel on mesure [messen] la réalité pour clarifier le contenu empirique de certains de ses éléments importants, et avec lequel on la compare. Ces concepts sont des images [Gebilde] dans lesquelles nous construisons des relations, en utilisant la catégorie de possibilité objective, que notre imagination formée et orientée d’après la réalité juge comme adéquates16. »

Par exemple, les « concepts comme ceux d’« individualisme », d’ « impérialisme », de « féodalité », de « mercantilisme », de « conventionnel » et autres innombrables constructions conceptuelles de ce genre17 » sont des idéaltypes. Décrivant de façon abstraite des phénomènes culturels d’une période historique donnée, ils ne se réduisent donc pas à des considérations morales, d’autant qu’ils constituent des causes sociales : « Les idées mêmes qui ont gouverné les hommes d’une époque, c’est-à-dire celles qui ont agi d’une façon diffuse en eux, ne peuvent, dès qu’il s’agit d’un tableau de pensée quelque peu compliqué, être saisies avec la rigueur conceptuelle que sous la forme d’un idéaltype, pour la simple raison qu’elles agitaient empiriquement un nombre d’hommes indéterminé et variable et qu’elles prenaient chez chacun d’eux les nuances les plus variées quant à la forme et au fond, quant à la clarté et au sens18. »

Max Weber, à la suite de Kant, distingue les trois grandes sphères culturelles que sont la science, l’esthétique et l’éthique. Il écrit également que le « concept de culture est un concept de valeur. La réalité empirique est culture à nos yeux parce que et tant que nous la rapportons à des idées de valeur, elle embrasse les éléments de la réalité et exclusivement cette sorte d’éléments qui acquièrent une signification pour nous par ce rapport aux valeurs. […] Une infime partie de la réalité singulière que l’on examine chaque fois se laisse colorer par notre intérêt déterminé par ces idées de valeur, seule cette partie acquiert une signification pour nous et elle en a une parce qu’elle révèle des relations qui sont importantes [wichtig] par suite de leur liaison avec des idées de valeur. 19 » Les idéaltypes intègrent donc des valeurs, mais ils semblent avoir une acception plus large que le concept de valeur, ce dernier induisant une absence de neutralité.

Précisons que l’idée de valeur est amplement teintée de subjectivité selon Weber : « les éléments les plus intimes de la « personnalité », les suprêmes et ultimes jugements de valeur qui déterminent notre action et donnent un sens et une importance à notre vie, nous les ressentons justement comme quelque chose qui est « objectivement » d’un grand prix [Wertvolles]. En effet, nous ne réussissons à nous en faire les défenseurs que s’ils nous apparaissent comme valables parce qu’ils découlent de nos valeurs vitales suprêmes et qu’ils se développent dans la lutte contre les résistances que nous rencontrons au cours de notre existence20. » Weber ajoute : « Toute appréciation sensée d’un vouloir étranger ne se laisse critiquer qu’à partir d’une « conception du monde » personnelle et toute polémique contre un idéal différent du sien ne peut se faire qu’au nom d’un idéal personnel21. »

La part subjective des valeurs ne semble pas étrangère à leur variabilité historique : « La croyance, vivante en chacun de nous sous une forme ou une autre, en la validité supra-empirique d’idées de valeur ultimes et suprêmes auxquelles nous ancrons le sens de notre existence n’exclut pas, mais inclut la variabilité incessante des points de vue concrets sous lesquels la réalité empirique prend une signification. La réalité irrationnelle de la vie et sa capacité en significations possibles restent inépuisables ; aussi la structure concrète de la relation aux valeurs reste-t-elle mouvante, soumise qu’elle est aux variations possibles dans l’avenir obscur de la culture humaine22. »

La rationalité, idéaltype central

Le désenchantement du monde

Les investigations de Weber s’étendent à l’ensemble de la culture, et de culture Weber n’en manque point : son érudition embrasse le droit, l’économie, la politique, la philosophie, la religion, l’histoire de chacune des disciplines précédentes, la psychologie, la biologie… Après la vague des philosophies de l’histoire du XIXe siècle, qu’il rejette car elles nient l’historicité des valeurs, il s’efforce notamment de comprendre l’essor du capitalisme, idéaltype économique qui pourrait tôt ou tard céder sa place à un autre idéaltype. Il en propose une interprétation à la fois originale et intrigante.

L’originalité provient du facteur explicatif principal, l’idéaltype de rationalité, qu’il applique majoritairement aux domaines de la religion, de l’économie, de la politique et du droit. Le caractère intrigant de son œuvre réside dans le fait que les sciences et les techniques, pourtant paradigmatiques de la rationalité occidentale, y tiennent un rôle mineur ainsi que l’a noté avec acuité Jürgen Habermas.

« Weber tient pour deux choses fondamentalement différentes « d’une part, l’histoire de la science moderne et de ses relations pratiques avec l’économie, qui se développèrent à l’époque moderne, et d’autre part, l’histoire de la conduite de vie moderne dans la signification pratique qu’elle acquiert pour celle-ci23. » Or c’est seulement à la seconde histoire que Weber s’est intéressé dans ses études de cas. L’histoire de la science et de la technique est un aspect important de la culture occidentale. Mais Weber la traite comme une condition marginale dans sa tentative sociologique d’expliquer l’avènement de la société moderne24. »

Weber s’intéresse particulièrement au développement de la rationalité dans la société occidentale : « L’idéal esthétique suprême de la Renaissance était « rationnel », au sens où il exprimait la croyance dans la valeur d’un « canon » ; sa conception de la vie était également rationaliste au sens d’un rejet des liens traditionnels et de la croyance en la puissance de la ratio naturalis, malgré des éléments de mystique platonisante. […] En général, toutes les formes d’éthique pratique qui étaient orientées d’une manière systématique et univoque en fonction de finalités religieuses précises étaient « rationnelles », en partie au sens d’une méthodologie formelle, et en partie au sens où une distinction était opérée entre ce qui avait « valeur » normative et ce qui était donné empiriquement25. »

C’est d’abord au sein des religions universalistes, ensuite du protestantisme et enfin de la doctrine  calviniste, que Weber détecte une progression de la rationalisation qui constitue la contrepartie d’un désenchantement du monde : avec l’ « abolition absolue du salut par l’Église et les sacrements (que le luthéranisme n’avait pas développée jusqu’en ses ultimes conséquences) », « dans l’histoire des religions, trouvait son point final ce vaste processus de « désenchantement » [Entzauberung] du monde qui avait débuté avec les prophéties du judaïsme ancien et qui, de concert avec la pensée scientifique grecque, rejetait tous les moyens magiques d’atteindre au salut comme autant de superstitions et de sacrilèges26. »

Le salut, bien suprême du calviniste, est octroyé par Dieu tout puissant. L’être humain serait incapable de l’acquérir par lui-même. La seule chose qu’il puisse faire, c’est de mener une vie de « saint » exclusivement dirigée vers cette fin transcendante, une vie « totalement rationalisée en ce monde, et dominée entièrement par ce but unique : accroître sur terre la gloire de Dieu27. »

Les rationalités en valeur et en finalité

Observons que le développement de la rationalité n’exclut pas une part d’irrationalité qui se maintient dans les fins poursuivies par les individus, mais aussi dans les valeurs auxquelles ils adhèrent, par exemple l’amour, le travail ou la nation. Weber distingue ainsi 

Dans Économie et société, il définit de façon synthétique et dense les différents types de rationalité : « Agit d’une manière purement rationnelle en valeur celui qui agit sans tenir compte des conséquences prévisibles de ses actes, au service qu’il est de sa conviction portant sur ce qui lui apparaît comme commandé par le devoir, la dignité, la beauté, les directives religieuses, la piété ou la grandeur d’ une « cause », quelle qu’en soit la nature28. » La notion de valeur est un concept qui, tel un a priori kantien, se situe en amont de l’action et qui l’oriente. Elle est associée sur le plan moral à ce que Weber nomme l’éthique de conviction, par opposition à l’éthique de responsabilité qui s’intéresse aux conséquences de l’action.

Étant donné que le concept de valeur est un idéaltype, autrement dit un concept générique à géométrie variable, comment l’action peut-elle être orientée rationnellement en fonction d’une idée dont les interprétations peuvent être les plus diverses ? Prenons par exemple la valeur « amour conjugal » : chacun peut en élaborer une conception particulière, en ce qu’elle privilégie plus ou moins la parentalité, la sexualité, les moments et les projets partagés, le mariage ou toute autre forme contractuelle de vie commune, etc. Surtout, la valeur, en tant qu’a priori, ne définit que très approximativement les axes qui sont réellement privilégiés, ceux-ci dépendant de l’expérience de chacun. Qui peut dire qu’il ou elle avait un idéal amoureux durant l’adolescence et que cet idéal ne s’est pas transformé au fil du temps ?

Weber souligne pourtant lui-même que le concept de valeur comporte une part substantielle de subjectivité et que celle-ci participe de l’évolution historique des valeurs. La variabilité des valeurs d’une génération à une autre reflète, il me semble, la diversité des expériences concrètes qui, en retour, modifient les conceptions que l’on peut se faire de la valeur. Pour continuer sur la valeur d’amour conjugal, nul doute que mai 68 fut un jalon particulier concernant la possibilité d’en forger des conceptions qui soient radicalement différentes de celles des générations précédentes.

Prenons un autre exemple, celui du travail. Ainsi que le note Dominique Méda, le travail « reste chez Smith et ses contemporains synonyme de peine, d’effort, de sacrifice, comme Marx le reprochera plus tard à Smith. […] Il en va différemment au début du XIXe siècle, où tous les textes, notamment allemands et français, politiques et philosophiques, se font au même moment, dans les années 1800-1820, l’écho d’une même transformation : le travail n’est plus seulement une peine, un sacrifice, une dépense, une « désutilité », mais d’abord une « liberté créatrice », celle par laquelle l’homme peut transformer le monde, l’aménager, le domestiquer, le rendre habitable tout en y imprimant sa marque29. »

Le caractère mouvant, subjectivement et historiquement, du concept de valeur, rend son mariage avec celui de rationalité paradoxal : quelle rationalité peut-il y avoir si l’aboutissement des actions est difficilement prévisible à partir des valeurs ? Weber est conscient que « la rationalité en valeur reste toujours affectée d’une irrationalité et cela d’autant plus que l’on donne une signification plus absolue à la valeur d’après laquelle on oriente l’activité30. » Elle « n’arrive jamais que dans une proportion plus ou moins grande et le plus souvent assez réduite31 », de même que la rationalité en finalité.

« Agit de façon rationnelle en finalité celui qui oriente son activité d’après les fins, moyens et conséquences subsidiaires [Nebenfolge] et qui confronte en même temps rationnellement les moyens et les fins, la fin et les conséquences subsidiaires et enfin les diverses fins possibles entre elles. En tout cas, celui-là n’opère ni par expression des affects (et surtout pas émotionnellement) ni par tradition. La décision entre fins et conséquences concurrentes ou antagonistes peut, de son côté, être orientée de façon rationnelle en valeur : dans ce cas l’activité n’est rationnelle en finalité qu’au plan des moyens. […] La rationalité absolue en finalité n’est elle aussi, pour l’essentiel, qu’un cas limite théorique.32 »

Deux problématiques surgissent à la lecture de cette définition. Premièrement, la rationalité en finalité n’est pas nécessairement étrangère à la rationalité en valeur. Cette dernière peut servir à déterminer les fins. Et dans ce cas, seule la mise en œuvre des moyens peut être dite rationnelle en finalité. Weber fonde l’ensemble de son approche sociologique sur l’antique distinction fins/moyens. Or les moyens sont rarement indifférents aux valeurs et aux problématiques morales. En particulier, rechercher la plus grande efficacité ou la maximisation du profit constitue une orientation morale. La distinction entre rationalité axiologique et rationalité en finalité n’est donc pas évidente.

Deuxièmement, la rationalité en finalité exclut les affects en général. Seulement, dans quelle mesure est-il possible de raisonner, notamment en vue de décider quel moyen employer ou quelle fin poursuivre, sans éprouver des sentiments ? Weber oppose l’inconscience des affects à la conscience du raisonnement, mais lorsque l’on pense à des valeurs morales, celles-ci s’accompagnent33 le plus souvent d’émotions/sentiments, ce qui se reflète dans l’étymologie du terme de valeur qui signifie en premier lieu le courage au combat. La valeur morale est une conviction à laquelle une personne est attachée un minimum sentimentalement. Il est ainsi étonnant, d’une part, de dissocier la rationalité en finalité des affects et, d’autre part, de l’associer en partie à la rationalité en valeur.

Weber le précise, la rationalité en finalité constitue un cas limite, ce qui est cohérent avec une approche fondée sur des idéaltypes, mais on peut s’interroger sur la pertinence d’employer des idéaltypes si ceux-ci ne peuvent se comparer que de façon approximative avec la réalité. La difficulté pour appréhender sa conception de la rationalité vient, il me semble, de ce qu’il ne distingue pas explicitement les concepts logico-mathématiques des autres types de concepts34, ce qui transparaît dans ce qu’il nomme la rationalité formelle.

Une rationalité formelle incluant de l’éthique

Weber évoque la rationalité formelle à propos d’économie et de droit. Il lui oppose la rationalité matérielle. Une activité économique est dite « formellement « rationnelle » dans la mesure où ses « initiatives » peuvent s’exprimer par des raisonnements chiffrés ou « comptables ». […] La notion de rationalité matérielle, par contre, peut s’entendre en de nombreux sens. Elle n’exprime qu’une seule idée générale : à savoir que l’observateur ne se contente pas du fait purement formel et (relativement) facile à définir sans équivoque que le calcul s’opère par des moyens techniques adéquats et rationnels en finalité. Il tient en effet compte d’autres exigences : éthiques, politiques, utilitaires, hédonistiques, de classe [ständisch] ou égalitaires, les applique en guise de critères à l’activité économique, fût-elle formellement « rationnelle », c’est-à-dire chiffrée, et l’apprécie sous l‘angle rationnel en valeur ou matériellement rationnel en finalité35.».

En droit, la rationalité formelle est associée à un « devoir de fonction » et à un droit de domination qui lui correspond – « la compétence ». Ceux-ci « sont définis » par des normes établies rationnellement (lois, décrets, règlements) de telle manière que la légitimité de la domination devient la légalité de la règle, laquelle est générale, élaborée en fonction d’une fin, établie et promulguée selon des critères de correction formelle36. » Il faut « distinguer avant tout deux rationalisations : la rationalisation matérielle de l’administration et de la justice par un prince patrimonial qui comble ses sujets sur le plan utilitaire et sur le plan de l’éthique sociale, comme un grand seigneur domestique avec les membres de sa maison, et la rationalisation formelle par le biais de la domination de normes juridiques s’imposant à tous les « citoyens de l’État », une domination qui est mise en œuvre par des juristes professionnels37. »

La rationalité formelle, chez Weber, est étroitement associée à l’idée de domination. La fameuse métaphore de la cage d’acier, à la fin de L’éthique protestante, évoque ce type de rationalité : « lorsque l’ascétisme se trouva transféré de la cellule des moines dans la vie professionnelle et qu’il commença à dominer la moralité séculière, ce fut pour participer à l’édification du cosmos prodigieux de l’ordre économique moderne. Ordre lié aux conditions techniques et économiques de la production mécanique et machiniste qui détermine, avec une force irrésistible, le style de vie de l’ensemble des individus nés dans ce mécanisme […]. Selon les vues de Baxter, le souci des biens extérieurs ne devait peser sur les épaules de ses saints qu’à la façon d’ « un léger manteau qu’à chaque instant l’on peut rejeter ». Mais la fatalité a transformé ce manteau en une cage d’acier. 

[…] Aujourd’hui, l’esprit de l’ascétisme religieux s’est échappé de la cage – définitivement ? qui saurait le dire… Quoi qu’il en soit, le capitalisme vainqueur n’a plus besoin de ce soutien depuis qu’il repose sur une base mécanique38. » Ce passage est à comparer avec celui cité plus haut où Weber souligne les fondements moraux de l’économie politique (accroissement de la richesse, droit naturel), fondements qui sont devenus inconscients avec le temps. Avec la métaphore de la cage d’acier, Weber exprime qu’avec une rationalité formelle prédominante, les fondements moraux de l’économie ne sont guère plus remis en question.

Si l’analyse est brillante, et si elle révèle des problèmes sociologiques et psychologiques conséquents, elle n’en est pas moins problématique en ce qu’elle qualifie de mécaniques ou formels des processus sociaux incluant une part de rationalité en finalité voire de rationalité en valeur dans le cas du droit et de la métaphore de la cage d’acier. Or nous avons vu que la rationalité en finalité n’exclut pas, même lorsqu’elle se réduit à une analyse des moyens, autrement dit une analyse technique, les considérations éthiques, ce que Weber souligne d’ailleurs lui-même lorsqu’il met en relief les présupposés de l’économie politique. De surcroît, Weber écrit que la sociologie « peut aider l’homme de volonté à prendre conscience lui-même à la fois des axiomes ultimes qui forment la base du contenu de son vouloir et des étalons de valeur [Wertmaßstäbe] dont il part inconsciemment ou bien dont il devrait partir pour être conséquent39. » Mais comment faire si la rationalité dite formelle inclut des considérations morales ?

L’ambiguïté des définitions de rationalité formelle reflète l’idée d’une rationalité dont les fondements moraux sont devenus inconscients ou impossibles à questionner. Comme l’écrit Habermas, « Horkheimer et Adorno, et plus tard Marcuse, interprètent Marx à partir de cette perspective wébérienne. Sous le signe d’une raison instrumentale autonomisée, la rationalité de la maîtrise de la nature (Naturbeherrschung) fusionna avec l’irrationalité de la domination de classe (Klassenherrschaft). Les rapports de production aliénants sont stabilisés par les forces productives débridées. La « dialectique de la raison » liquide l’ambivalence que ménageait encore Max Weber face aux procès de rationalisation, et elle renverse sans hésiter l’appréciation positive de Marx. La technique et la science, de potentiel émancipateur non ambigu qu’elles représentaient pour Marx, deviennent elles-mêmes le milieu et l’élément (Medium) de la répression sociale40. »

Dichotomie et idéalisation

Guerre des dieux vs. faits

Que des hypothèses morales passent à l’arrière-plan d’une société rationalisée et qu’elles ne soient plus tellement questionnées, Weber l’envisage à propos du capitalisme, mais dans l’ensemble, il affirme à plusieurs reprises la lutte des valeurs entre elles et l’impossibilité de la dépasser : « Il s’agit en fin de compte, partout et toujours, à propos de l’opposition entre valeurs, non seulement d’alternatives, mais encore d’une lutte mortelle et insurmontable, comparable à celle qui oppose « Dieu » et le « diable »41. »

La lutte investit l’intégralité de la sphère culturelle, notamment l’économie, de façon cohérente avec la métaphore de la cage d’acier : « Et le fait que finalement, avec un optimisme naïf, on ait célébré en la science, c’est-à-dire en la technique de maîtrise de la vie fondée sur la science, la voie menant au bonheur, est quelque chose que je puis me permettre de laisser totalement de côté après la critique dévastatrice que Nietzsche a faite de ces « derniers hommes » qui ont « inventé le bonheur ». Qui y croit encore, hormis quelques grands enfants sur les chaires des facultés ou dans les salles de rédaction42 ? » En invoquant Nietzsche, Weber justifie ici une conception du monde profondément agonistique qui ne laisse espérer aucune pacification.

L’opposition éternelle des valeurs s’accorde avec la dichotomie entre les faits et les valeurs qu’opère Weber sur le plan épistémologique, une dichotomie qui s’appuie sur l’impossibilité humienne que l’être puisse déterminer le devoir-être : « la validité d’un impératif pratique entendu comme norme et d’autre part la validité de vérité d’une constatation empirique d’un fait sont deux choses absolument hétérogènes au niveau de la problématique, de sorte que l’on porte préjudice à la dignité de l’une et l’autre de ces deux sphères si on méconnaît leur distinction et si on cherche à les confondre43. »

L’idéalisation wébérienne

Cette dichotomie épistémologique entre les faits et les valeurs est-elle cohérente avec la sociologie de Weber ? S’il est clair que selon lui les valeurs influencent les faits sociaux dans la mesure où des idées gouvernent les hommes et que ceux-ci façonnent les faits, l’inverse se vérifie également.

« Est-il nécessaire de protester que notre dessein n’est nullement de substituer à une interprétation causale exclusivement « matérialiste », une interprétation spiritualiste de la civilisation et de l’histoire qui ne serait pas moins unilatérale ? Toutes deux appartiennent au domaine du possible ; il n’en demeure pas moins que, dans la mesure où elles ne se bornent pas au rôle de travail préparatoire, mais prétendent apporter des conclusions, l’une et l’autre servent aussi mal à la vérité historique44. »

Que les valeurs puissent évoluer en fonction de phénomènes sociaux, c’est ce que prouve l’histoire de la modernité, influencée par les évolutions techniques et économiques, et que Marx a théorisée de façon exclusivement matérialiste. Que les valeurs puissent influencer les faits, c’est ce que démontrent à la fois l’histoire des religions et le bouleversement du monde opéré par les valeurs libérales et capitalistes.

Ainsi, la dichotomie faits/valeurs n’a pas de sens historiquement. Elle est cohérente sur le plan scientifique, et c’est bien sur ce plan que Weber se positionne lorsqu’il distingue deux types de validité. Cependant, comment s’assurer que les thèses sociologiques, notamment lorsqu’elles s’appuient sur des idéaltypes, sont valides ? « L’« objectivité » de la connaissance dans la science sociale dépend […] du fait que le donné empirique est constamment aligné sur des idées de valeur qui seules lui confèrent une valeur pour la connaissance et, bien que la signification de cette objectivité ne se comprenne qu’à partir de ces idées de valeur, il ne saurait être question d’en faire le piédestal d’une preuve empiriquement impossible de sa validité45. »

Autrement dit, la scientificité de la sociologie, selon Weber, repose sur la comparaison entre

  1. des concepts élaborés par des êtres humains et
  2. un monde social, façonné par les êtres humains, notamment à partir de concepts.

À quel moment y a-t-il alors confrontation avec un donné empirique qui ne dépende pas d’actions humaines influencées grandement par des valeurs ? Cette forme de circularité (valeurs => faits => valeurs) rend problématique la dichotomie faits/valeurs de Weber, ainsi que son ambition de faire de la sociologie une science46. Elle est associée à une appréhension de la science fondée sur une objectivité qui, elle-même, repose sur des concepts génériques ne permettant pas de distinguer strictement les concepts logico-mathématiques des autres concepts, autrement dit de distinguer concepts formels et non formels.


Notes

1. Julien FREUND, « WEBER MAX – (1864-1920) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 8 juin 2020. URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/max-weber/

2. Ainsi que je l’ai mis en relief dans le premier article sur Durkheim.

3. Julien Freund, introduction à Max Weber, Essais sur la théorie de la science, Plon, 1965, p. 23.

4. Max Weber, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Pocket, 1994, p. 52.

5. Ibid.

6. Max Weber, Essais sur la théorie de la science, Plon, 1965, p. 151.

7. Max Weber, Der Nationalstaat und die Volkswirtschaftpolitik, dans Gesammelte politischeSchriften 2e édit. (Tübingen 1959), pp. 14-15 in Ibid., p. 24.

8. Adam Smith, Théorie des sentiments moraux, PUF, 2003, p. 78-79 : « Si, comme je le crois, la partie la plus importante du bonheur humain naît de la conscience d’être aimé, ces changements soudains de fortune [cas d’un parvenu] contribuent rarement au bonheur. »

9. Michel Lallement, « Max Weber, la théorie économique et les apories de la rationalisation économique », Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques [En ligne], 34 | 2004, mis en ligne le 05 septembre 2008, consulté le 30 mai 2020. URL : http://journals.openedition.org/ccrh/212 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ccrh.212

10. Etienne Bonnot de Condillac, Le commerce et le gouvernement, Institut Coppet, 2012. URL : https://www.institutcoppet.org/wp-content/uploads/2012/02/Le-commerce-et-le-gouvernement-Etienne-de-Condillac.pdf

11. Pierre GARROUSTE, « AUTRICHIENNE ÉCOLE, économie », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 3 juin 2020. URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/ecole-autrichienne-economie/

12. Max Weber, Essais sur la théorie de la science, Plon, 1965, p. 172-173.

13. Ibid., p. 171.

14. Ibid., p.145.

15. Weber écrit aussi explicitement, Ibid., p. 206. : « Un profane ne peut imaginer la confusion que suscite par exemple l’emploi du terme de « valeur » – cet enfant de douleurs de l’économie politique auquel on ne saurait donner d’autre sens univoque qu’idéaltypique. »

16. Ibid., p. 185. 

17. Ibid., p. 184. 

18. Ibid., p. 189. 

19. Ibid., p. 159-160. 

20. Ibid., p. 126-127.

21. Ibid., p. 133.

22. Max Weber, Essais sur la théorie de la science, Plon, 1965, p. 212.

23. Max Weber, Die protestantische Ethik, vol. 2, Hambourg 1972, p. 325.

24. Jürgen Habermas, Théorie de l’agir communicationnel, tome I, Fayard, 1987, p. 175.

25. Max Weber, Sociologie des religions, Gallimard, 1996, p. 367.

26. Max Weber, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Pocket, 1994, p. 117.

27. Ibid., p. 135.

28. Max Weber, Économie et société 1, Pocket, 1995, p. 56.

29. Dominique Méda, Le travail, PUF, 2015.

30. Max Weber, Économie et société 1, Pocket, 1995, p. 57.

31. Ibid., p. 56.

32. Ibid.

33. Je n’entre pas à ce stade de mes réflexions dans la problématique de la causalité émotions/jugements moraux. Ce thème nécessite un approfondissement particulier, prenant en compte les connaissances en anthropologie, en sociologie et en psychologie. Le verbe accompagner souligne simplement une corrélation.

34. Voir l’article sur l’empirisme logique où j’ai effectué la distinction entre concepts formels et non formels.

35. Max Weber, Économie et société 1, Pocket, 1995, p. 130-131.

36. Max Weber, Sociologie des religions, Gallimard, 1996, p. 375.

37. Ibid., p. 374.

38. Max Weber, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Pocket, 1994, p. 222-223.

39. Max Weber, Essais sur la théorie de la science, Plon, 1965, p. 125-126.

40. Jürgen Habermas, op. cit., p. 160.

41. Max Weber, op. cit., p. 427.

42. Max Weber, Le savant et le politique, La Découverte, 2003, p. 89.

43. Max Weber, Essais sur la théorie de la science, Plon, 1965, p. 418.

44. Max Weber, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Pocket, 1994, p. 226-227.

45. Max Weber, Essais sur la théorie de la science, Plon, 1965, p. 211-212.

46. Le philosophe Hilary Putnam (Raison, vérité et histoire, Les Éditions de Minuit, 1981) a souligné finement que la distinction faits/valeurs ne tient pas y compris dans les sciences exactes.


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