Dans son traité De l’âme, Aristote attribue à celle-ci cinq facultés ou fonctions : nutrition, sensation, représentation, réflexion et motricité. Pour la première fois dans l’histoire de la philosophie, la représentation (phantasia), ou imagination, « est reconnue et étudiée dans sa nature et dans sa fonction1. » Considérée comme une passion, elle n’est pas la sensation parce qu’elle « est à notre discrétion quand nous le souhaitons. Devant les yeux, on peut, en effet, se mettre des fictions2. » En l’absence de sensations, elle permet soit de se re-présenter ou projeter intérieurement celles-ci, notamment grâce à la mémoire, soit de fabriquer des images.
La représentation n’est pas non plus l’opinion qui est nécessairement vraie ou fausse. En effet, les images qu’elle produit peuvent ne correspondre à aucune réalité. De plus, elle est accompagnée régulièrement d’émotions, par exemple lorsque l’on se figure un événement dramatique ou, inversement, comique. De fait, elle a plutôt tendance à induire en erreur qu’à mener à la vérité : « les sens sont toujours vrais, alors que les représentations ont une allure presque toujours trompeuse3. »
N’étant ni la sensation, relative aux sensibles, ni la réflexion, relative aux intelligibles, la représentation n’est pas non plus un complexe d’opinion et de sensation mais « le complexe qui résulte de l’opinion et de la sensation […] ; donc avoir une représentation serait avoir une opinion de ce dont on a la sensation, sans qu’il y ait là coïncidence accidentelle4 ». Pour justifier que la représentation n’est pas la simple combinaison d’opinion et de sensation, Aristote prend l’exemple du Soleil que l’on se représente grand comme un pied alors qu’on « est persuadé qu’il est plus grand que la terre habitée5 ! » La représentation que l’on se fait du Soleil (grand comme un pied) n’est donc ni la sensation, ni l’opinion que l’on s’en fait (plus grand que la Terre), ni la simple conjugaison des deux.
1.↑ Laurent Cournarie, « Aristote : Traité de l’âme – II, 1-5 ; III, 3-4 », Philopsis, 2015, p. URL : Aristote Traité de l’âme – II, 1-5 ; III, 3-4 – Laurent Cournarie
2.↑ Aristote, De l’âme 427b 15-20 in Aristote, Œuvres complètes, Flammarion, 2014.
3.↑ Ibid. 428a 10-15.
4.↑ Ibid., 428a 20. Je souligne.
5.↑ Ibid., 428b.