La philosophie morale selon Michel Foucault : un travail de problématisation et de perpétuelle reproblématisation

Dans « À propos de la généalogie de l’éthique : un aperçu du travail en cours », qui synthétise une série d’entretiens de 1983 avec H. Dreyfus et P. Rabinow, Michel Foucault expose son approche de la philosophie morale à l’occasion d’un parallèle entre le monde contemporain et la Grèce ancienne. Frappé par le fait que les Grecs se préoccupaient davantage de leur éthique que des problèmes religieux, il se demande « si notre problème aujourd’hui n’est pas, d’une certaine façon, le même ». Ses interviewers lui posent alors la question :

— Vous pensez que les Grecs offrent un autre choix, séduisant et plausible ?

— Non ! Je ne cherche pas une solution de rechange ; on ne trouve pas la solution d’un problème dans la solution d’un autre problème posé à une autre époque par des gens différents. Ce que je veux faire, ce n’est pas une histoire des solutions.

Je crois que le travail qu’on a à faire, c’est un travail de problématisation et de perpétuelle reproblématisation. Ce qui bloque la pensée, c’est d’admettre implicitement ou explicitement une forme de problématisation, et de chercher une solution qui puisse se substituer à celle qu’on accepte. Or, si le travail de la pensée a un sens — différent de celui qui consiste à réformer les institutions et les codes —, c’est de reprendre à la racine la façon dont les hommes problématisent leur comportement (leur activité sexuelle, leur pratique punitive, leur attitude à l’égard de la folie, etc.). […] Le travail de la pensée n’est pas de dénoncer le mal qui habiterait secrètement tout ce qui existe, mais de pressentir le danger qui menace dans tout ce qui est habituel, et de rendre problématique tout ce qui est solide. L’« optimisme » de la pensée, si on veut employer ce mot, est de savoir qu’il n’y a pas d’âge d’or. »


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