Accepter que les autres, y compris nos proches, courent à leur perte

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Dans l’article précédent, nous avons vu que la tendance à l’autoritarisme en Occident n’est pas nouvelle, qu’elle est liée à la fissuration des valeurs de prospérité et de travail sous l’effet de la mondialisation et de l’informatisation. Cette tendance, profonde, annonce des heures sombres pour les années et les décennies à venir, et l’élection récente de Trump semble en marquer le commencement.

Avec les tensions nationales et internationales qui s’accroissent, avec les nationalismes qui montent en puissance, on peut ressentir un impératif de prendre parti ou d’agir pour éviter de nouvelles errances dramatiques. Toutefois, s’efforcer de combattre des idéalisations de type protectionniste avec des idéalisations de type libéral ou égalitaire ne fera qu’attiser les conflits sans modifier le fond du problème : la remise en question de la prospérité et du travail. 

Tant que cette remise en question n’est pas explicite, les conflits risquent de s’auto-alimenter. Par exemple, lorsque les politiques ne cessent de tabler sur la prospérité en promettant monts et merveilles, du moins des embellies économiques, ils exacerbent les tensions tout en décrédibilisant la sphère politique.

Dans ce contexte géopolitique, il est possible, notamment par projection psychologique, de se laisser happer par le chaos social. Il est aussi possible de se distancier d’une situation à laquelle on ne peut rien, d’accepter une impuissance qui tranche avec les idéalisations de puissance dont nous sommes abreuvés quotidiennement, politiquement et économiquement.

La notion de distance est progressivement devenue centrale dans ma philosophie car, au fil des ans, j’ai réalisé combien entretenir des idéalisations et essayer de convaincre les autres de leur bienfondé alimentent les oppositions, y compris lorsque l’on est animé des « meilleures intentions ». Deux conceptions du bien incompatibles peuvent engendrer une guerre. La compétition et le conflit entre idéalisations sont délétères socialement et psychologiquement : ces oppositions sont des sources majeures, avec la compétition économique, de stress et d’anxiété dans les sociétés contemporaines.

A contrario, la paix, sociale et mentale, se cultive en prenant du recul par rapport aux idéalisations et aux personnes qui les véhiculent, ce qui exige de mener des analyses approfondies de la réalité psycho-sociale. Elle se cultive en exprimant ses opinions, fruits des analyses précédentes, sans s’évertuer à convertir, parfois en conservant le silence. Elle est liée à une forme de tolérance qui ne se limite pas à l’acceptation des différences : l’acceptation que les autres, y compris nos proches, s’égarent, voire qu’ils courent à leur perte. Cette tolérance est une sorte de liberté, celle de ne pas se sacrifier pour les aveuglés, de ne pas culpabiliser pour des situations, aussi dramatiques soient-elles, dont nous ne sommes pas responsables.


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