
Au tournant du Moyen Âge et de la Renaissance, les cités italiennes du nord inaugurent une mutation décisive : l’économie n’y est plus seulement un moyen de subsistance, mais devient une valeur sur les plans politique et moral. Florence et Venise, administrées par des oligarchies mêlant noblesse et bourgeoisie, se distinguent par des régimes politiques sensiblement plus ouverts que les monarchies voisines. Milan, quant à elle, demeure une seigneurie princière sous les Visconti puis les Sforza, mais son rôle économique et culturel en fait un centre incontournable. Dans cet ensemble urbain prospère, le crédit, le commerce, le travail et la consommation acquièrent progressivement une dignité nouvelle, rompant avec la méfiance traditionnelle qu’inspiraient la fortune et l’usure. Les arts et la pensée politique — du mécénat à Machiavel — accompagnent et renforcent cette transformation, mais ils en sont moins l’origine que le miroir. La Renaissance italienne marque ainsi un tournant axiologique : l’émergence d’un horizon où l’économie tend à s’imposer comme principe organisateur de la vie collective.
Des cités en marge de la féodalité et au cœur du commerce méditerrannéen
Au sein du paysage monarchique et impérial du Moyen Âge européen, les cités du nord de l’Italie se distinguent par l’autonomie qu’elles se ménagent au cours du XIIe siècle. Le chroniqueur allemand de l’époque, Otto de Freising, note que les terres sont divisées entre les grandes cités dont le caractère féodal s’est apparemment évanoui. « Désireuses de liberté1« , ces communes adoptent un régime politique de type républicain, oligarchique. Elles basculeront pour la plupart2, au fil des siècles suivants, vers des régimes de type monarchique voire, pour certains, tyranniques. Aux XIIe et XIIIe siècles, sous leur forme républicaine, elles sont administrées par un podestat, élu en général pour six mois et originaire d’une autre ville afin d’éviter les conflits d’intérêts. Salarié de la ville et non dirigeant indépendant, il gouverne avec le soutien de deux conseils, un conseil général comportant jusqu’à six cents citoyens, un conseil restreint soumis davantage au secret, se composant d’une quarantaine de patriciens.
L’indépendance, de fait, acquise par les cités du nord de l’Italie ne reflète pas le droit du Saint-Empire romain germanique qui les considère comme des vassales. Les empereurs ont deux bonnes raisons de refuser cette autonomisation : 1) les cités ne reconnaissent plus l’autorité de l’empereur, elles l’accueillent même avec une certaine hostilité ; 2) la région s’apparente à bien des égards à un « véritable jardin des délices », car les villes de la plaine lombarde « surpassent tous les États du monde en termes de richesses et de pouvoir3« .
La prospérité économique des cités du nord de l’Italie a été rendue possible par des innovations techniques agricoles qui ont permis de passer d’une consommation directe à une consommation indirecte (commerce, achat/revente…), autorisant la croissance démographique urbaine4. Au-delà des conditions agricoles communes à l’ensemble de l’Europe, cette prospérité résulte principalement d’une situation géographique privilégiée d’un point de vue commercial5.
Comme l’a souligné l’historien Fernand Braudel6, il a toujours existé des « économies-mondes », c’est-à-dire des espaces géographiques autosuffisants d’un point de vue économique, qui s’étendent au-delà des frontières nationales.
En descendant le cours de l’histoire avec des bottes de sept lieues, nous dirions de la Phénicie antique qu’elle fut, face à de vastes empires, l’esquisse d’une économie-monde. De même Carthage au temps de sa splendeur. De même l’univers hellénistique. De même Rome à la rigueur. De même l’Islam après ses foudroyantes réussites. Avec le XIe siècle, l’aventure normande à la frange de l’Europe occidentale esquisse une brève économie-monde, fragile, dont d’autres hériteront. A partir du XIe siècle, l’Europe élabore ce qui sera sa première économie-monde, que d’autres suivront jusqu’au temps présent7.
L’expansion économique européenne, à partir du XIe siècle, se produit autour de deux grands pôles : le Nord, centré sur les Pays-Bas, la mer du Nord et la Baltique ; le Sud, gravitant autour de l’Italie et de la Méditerrannée. La jonction entre ces deux pôles s’effectue « par les routes de terre Nord-Sud, dont le rendez-vous des foires de Champagne, au XIIIe siècle, a été la première manifestation notable8. » Le Nord, avec Bruges, joue d’abord un rôle moteur dès le début du XIIIe siècle. Y convergent les navires de la Ligue hanséatique (sel, grains, vin, bois, fourrures, cires), de l’Angleterre et de l’Écosse (laine), de la Normandie (blé) et de Bordeaux (vin), du Portugal ou de Gênes.
Les villes italiennes, quant à elles, doivent grandement leur succès à l’import de produits de luxe du Proche-Orient et à la distribution de ceux-ci dans le nord de l’Europe9. Les Croisades leur permettent d’accroître leur réseau maritime et d’étendre leur domination en termes de navigation10. La trajectoire de Venise est à ce titre significative. Dépourvue d’eau douce et de ressources agricoles, mais débordante de sel, Venise interroge F. Braudel : serait-elle « la ville à l’état pur, dépouillée de tout ce qui n’est pas purement urbain, condamnée pour subsister à tout demander à l’échange11 » ? Ses activités économiques se concentrent ainsi dans le commerce, la finance, qui constitue à bien des égards une extension du commerce, ainsi que dans la manufacture de biens qui permettent d’équilibrer la balance commerciale – le textile (laine, soie, coton) majoritairement, mais aussi le verre, les selles de cheval, le savon, la métallurgie, la poterie12… Florence adopte une stratégie similaire même si elle peut davantage s’appuyer sur sa production agricole.
Avec le développement économique, un regard ambivalent sur le crédit
Depuis le XIe siècle, l’usure (l’intérêt sur prêt d’argent) est âprement condamnée par l’Église. Cette dernière autorise que la location de biens non fongibles13, pour lesquels il est possible de distinguer la propriété de l’usufruit, donne lieu à rémunération. Néanmoins, elle considère comme un péché le prêt à intérêt, que l’emprunteur soit pauvre ou riche. Elle l’assimile à une forme de prostitution14.
Le quatrième concile du Latran (1215), en différenciant pour la première fois l’usure de l’intérêt à taux modéré, semble assouplir la condamnation, mais les conciles de Lyon (1274) et de Vienne (1311) l’affermissent en assimilant l’usure à une forme d’hérésie, et en instituant l’excommunication pour l’usurier ainsi que pour ceux qui l’ont aidé15. La pensée scolastique, suivant Aristote, considère que l’argent ne fait pas de petits, sa vocation unique étant celle de faciliter l’échange16. Toutefois, Thomas d’Aquin définit des règles différentes en fonction des modalités du prêt :
celui qui prête de l’argent transfère la propriété de son argent à l’emprunteur ; par conséquent celui qui emprunte possède la somme à ses risques et périls et il est tenu de la rendre intégralement. Le prêteur ne doit donc pas exiger davantage. Mais celui qui prête son argent à un marchand ou à un artisan avec lequel il s’est associé, ne lui transmet pas la propriété de la somme, il en reste toujours le propriétaire, de telle sorte que c’est à ses risques et périls que le marchand commerce sur son argent ou que l’artisan travaille. C’est pourquoi il peut licitement recevoir une partie du gain qui résulte de là, comme étant le fruit de la chose17.
L’intérêt devient ainsi légitime dans le cadre de contrats où le prêteur, en tant qu’associé, partage les risques avec l’emprunteur. Dans l’Italie des XIIIe et XIVe siècles, des instruments financiers comme les prêts à la grosse aventure (foenus nauticum) ou les contrats maritimes (commenda, collegantia) entrent dans ce cadre.
Deux autres dispositions, évoquées par Thomas d’Aquin, vont ouvrir la voie à une reconnaissance progressive du prêt à intérêt (qui n’aura lieu réellement qu’au XVIIIe siècle) : le damnum emergens (dommage naissant) et le lucrum cessans (gain manqué). La première, la plus facilement admissible, correspond à la compensation d’un dommage, par exemple lorsque le prêt n’est pas remboursé, ou qu’il l’est en retard. La compensation peut permettre de payer les frais de justice. La seconde disposition, le lucrum cessans (gain manqué), porte davantage à controverses, et Thomas d’Aquin ne l’a pas explicitement reconnue : en effet, selon lui, un prêteur ne peut vendre ce qu’il n’a pas encore (le gain), d’autant que des obstacles peuvent s’opposer à la réalisation du profit en question18.
Si les réticences religieuses au prêt à intérêt demeurent, celui-ci se répand corrélativement à l’augmentation des échanges internationaux qui stimulent la création d’établissements bancaires (Riccardi à Lucca, Bardi, Peruzzi ou Acciaiuoli à Florence…). Ces établissements détiennent également des activités marchandes, ils facilitent les mouvements d’argent, y compris les prêts qu’ils financent avec les moyens suivants :
- Leurs fonds propres, la responsabilité des dirigeants étant entièrement engagée dans leurs affaires. En effet, il n’existe pas encore de sociétés à responsabilité limitée, les entreprises sont, à cette époque, ancrées dans les liens familiaux.
- Les dépôts conséquents et rémunérés (de 2 à 5%) réalisés par des souverains, par le pape ou des évêques, ou encore par de riches marchands qui souhaitent placer leur argent dormant19.
- La trésorerie relative aux impôts et aux taxes (croisades, dîme, droits de douanes anglais sur la laine…) qu’ils perçoivent en tant qu’agents fiscaux20.
- Les lettres de change21, qui se développent dans la seconde moitié du XIIIe siècle lorsque les banques commencent à ouvrir des succursales permanentes à l’étranger22. Outre la facilitation de paiement qu’elles offrent, elles permettent de déguiser des crédits sous l’apparence de conversions monétaires.
- La revente de produits (laine, grains, alun…) versés en tant qu’intérêts.
- Des emprunts court terme à d’autres banques (marché interbancaire).
Cet éventail de ressources met en évidence l’intrication existante entre les banques, les États et… la papauté. Cette dernière, au même titre que les rois anglais, a recours aux banques italiennes non seulement pour y entreposer de l’argent, mais aussi pour leur emprunter les sommes dont elle a besoin afin de satisfaire ses ambitions militaires, en particulier sa « croisade italienne » contre le Saint-Empire romain germanique23 – c’est d’ailleurs dans cette optique que les papes favorisent la Toscane (guelfe, pro-papauté) par rapport à Gênes (gibeline, pro-empire).
Entre la doctrine et la pratique, l’écart se creuse donc sensiblement au sujet de l’usure. Dans la mesure où le prêt à intérêt est octroyé pour des raisons entrepreneuriales ou politiques, il apparaît de plus en plus toléré dans les faits bien qu’officiellement illégitime.
Prospérité, déclin et humanisme
La prospérité des cités italiennes se heurte, à la fin du XIIIe siècle et au XIVe siècle, à une série de revers et de calamités24 : les croisades s’achèvent définitivement avec la perte de Saint-Jean d’Acre en 1291 ; de 1315 à 1317, l’Europe est touchée par des pluies torrentielles qui engendrent de cruelles famines ; le conflit entre Philippe le Bel et la papauté aboutit, en 1307, à l’implantation de celle-ci à Avignon ; la Guerre de Cent ans débute en 1337 ; le système bancaire bourgeonnant entre en crise dans les années 1340 ; surtout, de 1347 à 1350, la peste noire décime un tiers de la population européenne.
À ces épreuves s’ajoute la recrudescence des guerres entre villes. Ces dernières touchent l’ensemble de la péninsule au XIVe siècle et sont éperonnées par l’arrivée au pouvoir de dirigeants autoritaires, les signorie25. Les conflits gangrènent également la vie citadine, notamment par le biais de l’opposition entre guelfes et gibelins.
Dans ce contexte historique, émerge un sentiment de déclin que Pétrarque (1304-1374), le précurseur voire le fondateur26 de l’humanisme, exprime ouvertement dans sa correspondance27 : partout en Europe l’insécurité se propage, les fortifications et les camps militaires se multiplient, l’ignorance, la débauche et les conflits détrônent la culture, le christianisme recule devant l’islam, la foi devant l’impiété… La cause profonde de ces dérives réside dans une forme de dépravation morale. Les Italiens ont oublié leur passé glorieux, ils ont corrompu le latin qui les rattachait à la Rome antique. Ils traversent ainsi une profonde crise morale à laquelle Pétrarque entrevoit une issue : réformer les mœurs en s’appuyant sur des exemples antiques, en particulier celui de Cicéron.
Comment amender les comportements ? Selon Pétrarque, il n’est malheureusement pas possible de s’appuyer sur les lois. D’abord parce que les juristes ont troqué la connaissance des lois et l’honnêteté pour l’ignorance et la fraude. Ensuite parce que les lois, aussi bonnes soient-elles, sont toujours enfreintes par des hommes mauvais qui dépassent en nombre les bons28. Il convient plutôt d’éduquer les citoyens, en premier lieu les dirigeants politiques, les princes de l’époque, de les conseiller afin qu’ils deviennent des modèles de vertu29.
La vertu possède un avantage politique majeur : elle légitime le souverain qui en fait preuve. Or les souverains en quête de légitimité sont légion au XIVe siècle. Pour les humanistes, la vertu devient la seule et unique source de la « vraie noblesse30 », et cette vertu n’est pas héritée à l’instar d’un titre de noblesse, ou conquise par un acte de bravoure, elle est cultivée, chacun pouvant théoriquement y prétendre. Selon l’humaniste Bartolomo Platina :
En supposant que la nature offre à tous une constitution [physique et mentale] égale, sans distinction de famille, de pouvoir ou de richesse, les fils de particuliers et les descendants de princes et de rois, en ce qui concerne l’esprit, naissent de la même manière, bien que ces derniers naissent dans des vêtements de pourpre et des palais, les premiers en haillons et dans des huttes […] Sénèque […] dit que Socrate n’était ni un patricien ni un chevalier romain ; la philosophie ne l’a pas trouvé noble mais l’a rendu noble31.
Dans La civilisation en Italie au temps de la Renaissance, Jacob Burkchardt va jusqu’à affirmer :
Lorsque après Dante la poésie etla littérature introduisirent un nouvel intérêt dans l’existence, lorsque la découverte de l’antiquité et l’étude de l’homme passionnèrent les esprits, pendant que des condottieri s’élevaient au rang de princes et que non seulement l’éclat, mais encore la légitimité cessaient d’être une condition de l’exercice de l’autorité souveraine […], on put croire que l’ère de l’égalité était venue et que l’idée de la noblesse avait disparu pour toujours.[…] Plus l’humanisme étendit sa puissance sur les esprits en Italie, plus s’affermit la conviction que la valeur de l’homme est indépendante de sa naissance.32
L’égalité se manifeste concrètement au travers de l’accession au pouvoir de riches familles ou de militaires, mais aussi au travers d’une plus grande mixité sociale : contrairement à la société féodale traditionnelle, rurale, qui gravite autour des châteaux, la société de la Renaissance italienne se concentre dans les villes où coexistent tous les ordres et toutes les classes sociales. Cette mixité s’accompagne d’une évolution comportementale des nobles qui investissent dans les entreprises privées, se livrent pour certains directement au commerce et se marient avec la nouvelle bourgeoisie33.
Évidemment, l’égalité concerne les personnes qui disposent de certains moyens financiers. Les paysans et les ouvriers, sans ressources particulières ni bagage intellectuel, ne peuvent convoiter la vertu qui dépend d’une solide éducation.
L’enseignement humaniste privilégie les lettres, la rhétorique et la philosophie. La rhétorique permet de dépasser le caractère exagérément théorique de la philosophie, de mettre réellement en pratique la théorie34. En effet, la simple connaissance de la vertu, ne suffit pas à éveiller la motivation pour la mettre en pratique. D’où l’importance de l’éloquence qui enflamme et affermit les cœurs.
Grâce à une réforme des mœurs impulsée par les vertus, l’humanisme entend ainsi restaurer une forme de grandeur politique, dont les ruines toujours visibles de Rome attisent la nostalgie. Soulignons que cette orientation séculière n’entre pas en contradiction avec la religion : le temporel et le spirituel constituent, au moins depuis saint Augustin, deux domaines séparés. En outre, le temporel peut contribuer au spirituel : en 1403, Leonardo Bruni traduit le Discours aux jeunes gens, sur la manière de tirer profit des lettres helléniques du père de l’Église Basile de Césarée. Celui-ci y avance que la philosophie païenne peut non seulement aider les étudiants dans leurs devoirs séculiers, mais peut aussi préparer l’esprit aux enseignements chrétiens35.
La légitimation civique de la richesse
Les humanistes se passionnent pour la politique d’un point de vue moral. Dans cette perspective, ils se soucient d’économie en premier lieu pour réguler le désir insatiable de richesses grâce à une utilisation adéquate des vertus et non pour soutenir l’esprit d’entreprise dans les secteurs commercial, bancaire ou manufacturier36.
Au XVe siècle, ils considèrent davantage37 la richesse de manière positive : celle-ci procure des ressources aux familles et à l’État qui, à leur tour, participent de la culture des vertus. Ainsi, la richesse acquiert de la légitimité dans la mesure où elle rejaillit positivement sur les sphères familiale et civique. Associée à la cupidité, à l’avarice ou à d’autres vices, elle pervertit38. Selon Alberti, « Il ne faut pas mépriser les richesses mais dominer l’avidité, et au milieu de la profusion et de l’abondance des choses nous vivrons libres et heureux39 ».
En 1420, Leonardo Bruni traduit Les Économiques, un traité pseudo-aristotélicien, sur lequel il s’appuie, ainsi que le feront également Alberti ou Palmieri, pour justifier que la richesse constitue une condition d’exercice de la vertu dans la vie active40. Il écrit dans la préface41 :
De même que la santé est le but de la médecine, la richesse est le but du foyer. Car les richesses servent aussi bien à embellir leurs propriétaires qu’à aider la nature dans sa lutte pour la vertu. Ces richesses profitent également à nos enfants, qui sont plus facilement élevés par la richesse aux honneurs et à la dignité. Car, comme le disent nos poètes, « quand la pauvreté domestique étouffe les vertus, celles-ci ne se manifestent qu’avec difficulté ».
L’acquisition d’une certaine fortune se justifie dans le but d’augmenter le patrimoine familial, non dans le simple but de thésauriser. De plus hautes formes de vie civile, celles qui exigent la vertu de magnificence, requièrent davantage de ressources42.
Terme clé dans les discussions humanistes relatives à l’usage positif de la richesse43, la magnificence est employée par référence aux autorités grecques et latines classiques, mais aussi par appropriation de la notion médiévale, liée à la noblesse et à la richesse des souverains. Ces derniers s’efforçaient d’exhiber leurs victoires et leurs trésors, de faire preuve de charité et de libéralité, notamment en organisant des réjouissances. D’une certaine manière, la magnificence justifiait un luxe qui, autrement, était considéré comme un péché.
Dans l’Italie de la Renaissance, le terme s’adapte à une société non féodale. Il devient associé à l’esprit humaniste, qui actualise des auteurs anciens, et à l’accomplissement de grands gestes envers la collectivité, qui peuvent être observés publiquement. Par exemple, Alberti développe l’idée que les possessions, en augmentant la réputation et la renommée, fortifient l’image publique de la famille et aident à construire les réseaux sociaux de la vie citadine44.
Valorisation du commerce et du travail
La légitimation civique de la richesse s’accompagne d’un changement de regard sur les marchands, traditionnellement dépréciés. Dans son traité de pratiques commerciales (1458), Benedetto Cotrugli estime que les marchands détiennent de la dignité et un rôle public. Il avance quatre arguments pour justifier cette proposition : 1) l’aisance et la santé des républiques résultent dans une large mesure du commerce ; 2) un marchand économe, mesuré, solide et intègre accroît sa fortune, servant les intérêts de sa famille ; 3) le privé et le public bénéficient d’un supplément de vertu et de connaissance grâce aux compétences financières des marchands ; 4) la sobriété, la dignité froide, l’ordre et l’indéfectible autonomie qui caractérisent le marchand procurent des atouts appréciables à l’État45.
Ces idées se retrouvent sous la plume d’humanistes qui, préfigurant le mercantilisme, conseillent aux gouvernements d’encourager les activités commerciales afin de créer un rempart autour de l’État46. Diomede Carafa, humaniste et ministre du roi de Naples, consacre plusieurs pages d’un traité à cet enjeu. Il écrit en particulier :
Si un citoyen souhaite exercer une activité commerciale et y excelle, il conviendra non seulement de l’encourager et de lui témoigner sa faveur, et même, si possible, de l’aider financièrement. L’activité commerciale est fructueuse pour la subsistance des États et utile pour fournir en abondance les biens dont vous avez besoin. […] De plus, si vos citoyens ne sont pas éduqués à ce genre d’activité, des entrepreneurs venus d’ailleurs afflueront vers vos villes et emporteront les bénéfices qu’ils en retirent dans leurs propres pays, tels des pigeons voyageurs47.
Marchands et humanistes se côtoient. Alberti est lui-même fils de marchand. S’il n’est pas évident d’évaluer l’influence des premiers sur les seconds, l’influence des seconds sur les premiers transparaît dans les ricordanze, des registres dans lesquels les marchands consignent avec rigueur leurs affaires personnelles et professionnelles48. Ils y insèrent aussi parfois des mémoires, des tranches d’histoire ou des maximes morales. S’agissant de ces dernières, Le livre de la vie honnête (1360), de Paolo da Certaldo, inspire nombre de marchands écrivains du Quattrocento49.
Le traité s’organise autour de trois notions : profit, prudence, mesure. Le profit permet d’accumuler des richesses qui assurent contre les aléas et la mauvaise fortune. Il est généré grâce à un travail incessant :
Si tu as de l’argent, ne t’arrête pas, ne le garde pas mort chez toi, car il vaut mieux travailler en vain que de se reposer en vain, parce que, même si tu ne gagnes rien en travaillant, au moins tu ne perds pas ainsi l’habitude des affaires50.
Comme d’autres marchands, Paolo exhorte à l’effort. Seul ce dernier justifie l’accumulation financière, les hypothétiques héritages ne venant que par surcroît. L’un des mots-clés de son livre est « laborieux », repris par « persévérant » et « diligent51 ». L’opulence récompense le dur labeur, mais elle ne doit jamais être considérée comme acquise définitivement car les dangers sont multiples.
La prudence voire la défiance doivent être cultivées afin d’éviter la ruine. Il convient ainsi de ne pas sortir la nuit, de ne pas fréquenter les prostituées, de fuir les hérétiques, les incendies… Il faut aussi faire preuve de discrétion dans la mesure où la renommée, essentielle pour la confiance dans les affaires, en dépend. En outre, chaque confrère est perçu comme un concurrent et chaque collaborateur peut s’avérer un espion à la solde de l’ennemi. La culture du secret et la crainte de la faillite entraînent Paolo vers l’égoïsme et même la lâcheté en fuyant les agitations et les querelles politiques52.
La troisième et dernière notion, la mesure, rejoint les préoccupations philosophiques classiques. Il s’agit, en toute occasion et à l’aide de sa raison, de trouver la juste mesure. Ainsi écrit-il que la colère est un dangereux péché, « car elle prive hommes et femmes de leur raison et ne leur laisse pas conscience de ce qu’ils font et disent. Et l’homme et la femme dépourvus de raison sont pareils aux bêtes53 ».
Une culture de la consommation
Nous avons vu plus haut que les épreuves de la fin du XIIIe siècle et au XIVe siècle ont suscité un sentiment de déclin chez les humanistes. Cependant, le développement économique des cités italiennes n’est pas interrompu au XIVe siècle par la peste noire54. La baisse démographique engendrée par l’épidémie favorise sur le long terme une augmentation des salaires55 et, globalement, elle n’entame pas la richesse accumulée au cours des siècles précédents : en Italie, le PIB par habitant progresse de 1350 jusqu’à la fin du XVe siècle56.
Sur le plan commercial, l’efficacité accrue du transport maritime entraîne, d’une part, une augmentation de la régularité et de la fréquence des trajets et, d’autre part, une diminution des coûts et des primes d’assurances57. Sur le plan financier, les banques tirent profit des besoins étatiques de financements. L’industrie textile, quant à elle, continue de prospérer dans l’aire méditerranéenne malgré la concurrence des pays du nord de l’Europe58 : de la laine meilleur marché est importée d’Espagne ; la soie se répand, ainsi que le coton ; des améliorations techniques continuent d’être apportées à la production59 ; de nouveaux marchés s’ouvrent à Naples et à Rome, dynamisés par des investissements étrangers60 ; au XVe siècle, le Proche-Orient lui aussi devient une source de débouchés.
La richesse produite, considérée de façon plus positive comme nous l’avons souligné, contribue, selon les termes de Richard A. Goldthwaite61, à la naissance d’une véritable « culture de la consommation », culture qui concilie religion et préoccupations matérielles. La preuve en est qu’une large part de cette consommation provient soit directement des besoins du culte, soit des formes d’expression artistique associées à celui-ci62. En effet, l’urbanisation s’accompagne, à partir du XIIe siècle, de constructions de cathédrales et de monastères. De nouveaux ordres (Fransiscains, Dominicains, Carmélites, Servites, Ordre de saint Augustin) éclosent et s’agrandissent rapidement, les ordres mendiants s’impliquant dans la vie laïque. L’incorporation des femmes dans les structures ecclésiales constitue l’un des événements majeurs de la vie urbaine du haut Moyen Âge. En outre, avec l’extension des villes, le culte se laïcise en partie au travers de chapelles ou de pièces dédiées dans les habitations.
Tous ces développements se poursuivent aux XIVe et XVe siècles. Ils alimentent la demande de biens liturgiques, c’est-à-dire d’objets servant au culte, public ou privé, comme les autels, les pupitres, les cloches, les calices, les patènes, les paniers, les bougies, les crucifix, les encensoirs, les vêtements de celles et ceux qui officient… Il convient d’ajouter des pratiques comme celle des indulgences ou le culte des saints, qui ont apporté leur pierre à la demande de biens matériels religieux.
Qu’il s’agisse des bâtiments, de leur décoration ou des biens liturgiques, leur demande est aussi conditionnée par un facteur psychologique puissant : la compétition pour posséder le plus bel ou le plus grand exemplaire. Ainsi en va-t-il de l’émulation européenne pour édifier la plus haute ou la plus vaste cathédrale qui soit. Florence et Milan se distinguent dans la seconde catégorie. Même l’ordre mendiant des Franciscains, censé rejeter toute forme de possession, se laisse happer par la mode : un de leurs membres commmande en 1505 à Raphaël un tableau similaire à celui réalisé par Ghirlandaio vingt ans auparavant, mais d’une « plus grande perfection, si possible63 ». La peinture, stimulée par une culture religieuse de l’image diamétralement opposée à l’iconoclasme, constitue probablement l’art le plus représentatif de la Renaissance italienne.
La compétition sociale, si elle s’observe sur le plan religieux, se déroule d’abord sur le plan séculier. En effet, les ambitions architecturales en matière d’édifices religieux sont financées par les villes, donc par des deniers publics. Ces ambitions ne se limitent pas aux monuments religieux, elles s’étendent aux bâtiments publics tels que, à Florence au XIVe siècle, le marché aux céréales Orsanmichele, ou la Loggia de la Seigneurie d’où s’expriment les édiles64. Ces bâtiments sont reliés par des artères plus larges aux façades uniformes. Au début du XVe siècle, les Florentins les ornent de sculptures monumentales qui, pour certaines d’entre elles, véhiculent l’idéologie civique. Ils érigent également des tombeaux en l’honneur de leurs grands dirigeants humanistes, de militaires ou de deux artistes, Giotto et Brunelleschi, auxquels est associée la célébrité artistique de la ville65.
Toujours sur le plan séculier, au XVe siècle, l’émulation se diffuse dans la sphère privée avec la construction de palais qui fondent les prétentions à un certain statut social, à une identité publique66. La Rome antique fournit un modèle architectural, mais seulement dans la forme des bâtiments67. Le palais lui-même, en tant qu’édifice urbain, constitue une innovation de la Renaissance italienne. Il a pour vocation d’accueillir une famille, déjà solidement implantée dans le voisinage et qui s’y projette pour les générations à venir68.
À l’intérieur de la demeure, le bourgeonnement de pièces cloisonnées manifeste celui de la vie privée. La chambre est un lieu fermé à clé où sont conservés les objets les plus précieux (argenterie, tableaux, tapisseries, bijoux, vêtements…)69. L’étude (studiolo), dont l’origine est sans doute monastique, « désigne soit un meuble dans lequel on s’assoit pour lire sur un pupitre, soit une pièce assurant la même fonction70 ». Elle accueille des panneaux de bois peints, des papiers professionnels, dont les livres de compte, des ouvrages de jeunesse, des lettres d’amour, des journaux intimes, des collections de pièces de monnaie… Des objets que leur propriétaire désire soustraire aux regards.
La chambre est la pièce qui, au XIVe siècle, concentre les meubles de la maison. La plupart des autres pièces, bien qu’elles contiennent des lits, accueillent le mobilier nécessaire pour manger, s’asseoir et ranger71. Au XVe siècle, la décoration intérieure s’étoffe dans les chambres puis, vers la fin du XVe et au début du XVIe siècle, le reste de la demeure se garnit progressivement de meubles. Au cours de cette évolution, l’esthétique mobilière se développe et les espaces intérieurs se spécialisent.
L’éthique conflictuelle de Machiavel
Si dans l’ensemble une culture économique se développe rapidement au cours de la Renaissance italienne, elle fait toujours face à de nombreuses réticences et limites d’ordre religieux, mais aussi politique. Par exemple, Bruni valorise l’acquisition de richesses dans la mesure où celles-ci contribuent à la vie civile, demeurent subordonnées à la patrie. Ainsi, selon lui, le chevalier doit rechercher les honneurs et la gloire plutôt que la richesse72. Pour Flavio Biondo, dans La Rome triomphante (1459), il ne fait « aucun doute que la grandeur de cette République a commencé et s’est accrue par les armes et par la valeur de ses soldats73. » La Grèce est tombée sous la coupe des Romains à cause de « ses gymnases et de ses palestres, où l’on exerçait le corps ; car par cette voie l’esprit des jeunes en venait à s’alanguir74 ». Biondo oppose également l’attitude des Ligures à celle des Capouans : les seconds « ne sont rien d’autre qu’éternellement fiers et arrogants, pour la seule raison de la bonté de leurs terres et de l’abondance des choses nécessaires à la vie75… »
Les humanistes, bien avant Machiavel (1469-1527), mettent en garde contre les risques de dérives laxistes, d’un point de vue militaire, provoquées par un excès de richesses. Le secrétaire florentin, qui prend également pour modèle la Rome antique, a pour sa part été témoin de la déroute des cités italiennes face aux armées françaises à partir de 1494. Non seulement il alerte à son tour sur les dangers politico-militaires d’une vie luxueuse et oisive76, mais il remet en question l’orientation humaniste fondée sur la pratique des vertus. Ces dernières, dès lors qu’elles reflètent une vie d’ordre philosophique et qu’elles se limitent à une rhétorique découplée de la pratique, deviennent dangereuses politiquement car elles affaiblissent l’État77. Cependant, les succès militaires entraînent inévitablement l’essor du loisir littéraire et philosophique :
D’ordinaire, les pays passent le plus souvent, dans les changements qu’ils opèrent, de l’ordre au désordre, puis de nouveau du désordre à l’ordre, car la nature n’accorde pas aux choses humaines de demeurer immobiles. Dès qu’elles atteignent leur perfection ultime, n’ayant plus où s’élever, elles doivent nécessairement décliner ; et de même, lorsqu’elles sont descendues et, par leurs désordres, parvenues au dernier degré, ne pouvant plus descendre, elles doivent nécessairement remonter. … Car la vertu engendre la tranquillité, la tranquillité engendre l’oisiveté, l’oisiveté engendre le désordre, le désordre engendre la ruine ; et de même, de la ruine naît l’ordre, de l’ordre naît la vertu, et de la vertu naissent la gloire et la bonne fortune78.
Contrairement aux humanistes qui misent sur la vertu, sur la possibilité qu’une bonne éducation puisse forger un caractère dont les actions résultantes soient exemplaires, Machiavel s’appuie d’abord sur l’ordre qui dépend de la constitution et des lois. C’est par le biais d’une refondation de celles-ci qu’il entrevoit une forme de salut politique. En effet, la force de la coutume prévient toute évolution graduelle : un peuple qui n’a pas l’habitude de la liberté aura les plus grandes difficultés à la conserver. L’inertie des mœurs implique que seule une révision complète des institutions est susceptible de changer un peuple. De plus, alors que l’humanisme promeut un libre arbitre grâce auquel l’homme peut se perfectionner, Machiavel, entretient une vision pessimiste des êtres humains qui « sont ingrats, inconstants, simulateurs, et dissimulateurs, fuyards devant les périls, avides de gains » et intéressés79.
Les conceptions de la nature humaine divergent radicalement. À la vertu philosophique, associée aux notions de mesure et de limite, Machiavel oppose une « dynamique expansive du désir80 » : « le désir d’avoir l’emportant sans cesse sur la faculté d’acquérir81 », les hommes éprouvent de l’insatisfaction et du mécontentement, ce qui les pousse à acquérir et à craindre de perdre. On en vient ainsi « à la rupture, puis à la guerre, qui enfante à son tour la destruction d’un empire pour servir à l’élévation d’un autre82. » Le conflit fait partie de la vie politique usuelle, aussi bien dans les relations entre États que dans la cité. Il convient ainsi de prévoir, dans une constitution, « l’explosion régulière des ressentiments83 », en particulier au travers d’un tribunal qui donnerait toute leur importance aux mécontentements. Grâce à ce type de soupape, les guerres civiles pourraient être évitées.
Un tournant axiologique
Tandis que la philosophie machiavélienne privilégie considérablement la politique et le militaire par rapport à l’économie, ses prémisses anthropologiques ‒ l’être humain, intéressé, est guidé par ses passions ‒ anticipent celles de Hobbes, lesquelles influenceront à leur tour Locke, Hume, Mandeville et Smith84. C’est pourquoi Machiavel contribue, par anticipation et malgré lui, à la valorisation de l’économie telle qu’elle se développera et s’autonomisera à partir de la fin du XVIIIe siècle. Les humanistes, pour leur part, cautionnent directement le développement économique qui rejaillit positivement, d’un point de vue politique, sur la cité. Ils ne donnent toutefois pas un blanc-seing à l’accumulation de richesses, celle-ci devant rester dans les limites d’une éthique toujours dictée par la religion. L’Église, quant à elle, cautionne indirectement la valorisation de l’économie en tolérant officieusement l’usure.
Au-delà des considérations philosophiques, l’économie est aussi et peut-être en premier lieu valorisée par le biais de la vie sociale de l’époque, une vie citadine où se croisent les différentes classes et ordres. Dans ces villes de la Renaissance italienne, les marchands, les banquiers et les manufacturiers occupent des places de choix, et ils accèdent, pour certains, à de hautes fonctions politiques. Les nombreux écrits qu’ils lèguent témoignent d’une conscience de classe, d’une estime qui reflète une reconnaissance sociale. Ils y véhiculent des valeurs qui leur sont propres, en particulier celles du travail et de l’effort, et laissent transparaître des attitudes intéressées qui reflètent le pessimisme machiavélien.
Une autre manifestation de la valorisation de l’économie, évidente au travers des monuments et des œuvres d’art que nous pouvons toujours contempler, est la culture de la consommation qui imprègne les mœurs. Cette culture est en lien direct avec des formes de reconnaissance et de compétition sociale, stimulées par la proximité urbaine.
Bien que les logiques d’accumulation et de réinvestissement systématique n’existent pas encore et que l’économie reste encadrée par la politique, la Renaissance italienne constitue un moment charnière dans l’émergence de nouvelles valeursfavorables à l’économie : les hommes étant naturellement égaux, chacun peut potentiellement prétendre à vertu ; l’accent est mis de manière commune par les humanistes et Machiavel sur la politique, laquelle utilise l’économie comme moyen de favoriser le vivre-ensemble ; la richesse privée est légitimée voire encouragée dans la mesure où elle se met au service du politique ; à sa suite, la vie privée s’étend ; le commerce est reconnu socialement tandis que le travail devient un facteur essentiel de réussite dans les affaires ; la consommation éclot sur fond de compétition sociale ; enfin, l’homo oeconomicus, intéressé, apparaît sur le devant de la scène.
Notes
1 Otto de Freising, Chronica, cité par Quentin Skinner, The Foundations of Modern Political Thought, Vol. 1: The Renaissance, Cambridge University Press, 1978, p. 3.
2 À l’exception de Venise dont le régime est moins participatif que celui de Florence.
3 Ibid.
4 Fernand Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme XVe-XVIIIe siècle. Volume 3 : Le temps du monde, Armand Colin, 1979, p. 105.
5 Richard A. Goldthwaite, Wealth and the Demand for Art in Italy 1300-1600, Johns Hopkins University Press, 1995, p. 13.
6 Fernand Braudel, op. cit., p. 15-16.
7 Ibid.
8 Ibid., p. 108.
9 Richard A. Goldthwaite, op. cit.
10Fernand Braudel, op. cit., p. 123.
11 Ibid., p. 120.
12 Richard A. Goldthwaite, op. cit.
13 Typiquement les terres.
14 Adamo, Stefano and Alexander, David J. A. and Fasiello, Roberta, Usury and Credit Practices in Italy in the Middle Ages (January 31, 2017). Accounting and Culture Review, 23 April 2018.
15 Ibid.
16 Marie-Jeanne, C. (2013). L’interdiction du prêt à intérêt : principes et actualité. Revue d’économie financière, 109(1), 265-282. https://doi.org/10.3917/ecofi.109.0265.
17 Thomas d’Aquin (1852, vol. 4, II-II, q. 78, art. 2) in Ibid.
18 Thomas d’Aquin (1852, vol. 4, II-II, q. 78, art. 2) : https://oll.libertyfund.org/pages/aquinas-on-usury
19 John Padgett, “The Emergence of Large, Unitary Merchant Banks in Dugento Tuscany” (2009) Working Papers. Paper 8.
20 Ibid.
21 Lorsqu’une succursale londonienne avance des espèces à un marchand belge, elle tire simultanément une lettre de change sur Bruges, où la banque détient des dépôts. Cette lettre est vendue escomptée (l’escompte constitue une forme d’inétrêt) sur le marché monétaire londonien, ce qui procure de nouvelles liquidités à la succursale anglaise.
22 Usher, Abbott Payson. “The Origin of the Bill of Exchange.” Journal of Political Economy, vol. 22, no. 6, 1914, pp. 566–576. JSTOR, http://www.jstor.org/stable/1820224. Accessed 13 July 2025.
23 John Padgett, op. cit. ; Richard A. Goldthwaite, op. cit., p. 30.
24 Jean Gimpel, La révolution industrielle du Moyen Âge, Seuil, 2002, p. 189 sq. ; James Hankins, Virtue Politics, Harvard University Press, 2019.
25 Larner, John, Berengo, Marino, Lovett, Clara M., Signoretta, Paola E., Marino, John A., King, Russell L., Palma, Giuseppe Di, Nangeroni, Giuseppe, Palma, Giuseppe Di, Knights, Melanie F., Wickham, Christopher John, Foot, John, Clark, Martin, Powell, James M.. « Italy ». Encyclopedia Britannica, 4 Aug. 2025, https://www.britannica.com/place/Italy. Accessed 5 August 2025 ; Caferro W, Graff DA. Warfare and Italian states, 1300–1500, in Curry A (ed.), The Cambridge History of War, Cambridge University Press, 2020:389-408.
26 James Hankins, op. cit., affirme quesi Pétrarque n’est pas le premier humaniste, « il est cependant correct de l’appeler le père de l’humanisme de la Renaissance », car il a initié une nouvelle élite intellectuelle ayant pour but de modifier les valeurs et les comportements sociaux.
27 Ibid., chapter 1.
28 Ibid.
29 Jean-François Mattéi, Platon, PUF, 2011, p. 87 : « Au livre IV de la République, Socrate dit que la cité bonne doit être sage, courageuse, tempérante et juste (4 des 5 vertus du Protagoras où savoir correspond à sagesse et qui ajoute la piété). »
30 James Hankins, op. cit., chapter 2. Les humanistes s’appuient ici sur Aristote et Cicéron.
31 Platina, De vera nobilitate, ed. 1529, 172; tr. Rabil, 282 in Ibid. Je traduis en français.
32 Jacob Burckhardt, La civilisation en Italie au temps de la Renaissance, tome 2, Plon, 1885, p. 94-95.
33 Richard A. Goldthwaite, op. cit., p. 159 et p. 193 sq. L’adoption des mœurs citadines par la noblesse varie d’une ville à l’autre. Elle est plus forte à Florence par exemple qu’à Gênes.
34 Quentin Skinner, op. cit., p. 87.
35 James Hankins, op. cit.
36 Ibid., chapter 7.
37 L’attitude positive vis-à-vis d’une richesse qui contribue à la vertu ne date pas du Quattrocento, elle remonte à la scholastique. Voir à ce sujet Quentin Skinner, op. cit., p. 56 ; John F. McGovern. “The Rise of New Economic Attitudes — Economic Humanism, Economic Nationalism — During the Later Middle Ages and the Renaissance, A. D. 1200-1550.” Traditio, vol. 26, 1970, pp. 217–53. JSTOR, http://www.jstor.org/stable/27830898. Accessed 18 Aug. 2025.
38 James Hankins, op. cit.
39 Alberti cité par Eugenio Garin, L’humanisme italien, Albin Michel, 2005 (1947), p. 101.
40 Richard A. Goldthwaite, op. cit., p. 206 ; John F. McGovern, op. cit.
41 Cité par John F. McGovern, op. cit. Je traduis.
42 James Hankins, op. cit.
43 Richard A. Goldthwaite, op. cit., p. 207.
44 Ibid., p. 208.
45 John F. McGovern, op. cit.
46 James Jankins, op. cit.
47 Ibid.
48 Christian Bec, Les marchands écrivains, affaires et humanisme à Florence, Mouton, 1967, p. 50.
49 Ibid., p. 103 sq.
50 Paolo da Certaldo, Le livre de la vie honnête in Ibid.
51 Ibid.
52 Ibid.
53 Ibid.
54 Contrairement à l’interprétation historique qui a prévalu jusqu’à la fin du XXe siècle : Richard A. Goldthwaite, op. cit., p. 14 sq.
55 Remi Jedwab, Noel D. Johnson and Mark Koyama, “The Economic Impact of the Black Death”, Institute for International Economic Policy Working Paper Series, 2020, 14. https://www2.gwu.edu/~iiep/assets/docs/papers/2020WP/JedwabIIEP2020-14.pdf
56 Paolo Malanima, “Italy in the Renaissance: A Leading Economy in the European Context, 1350-1550”, The Economic History Review, vol. 71, no. 1, 2018, pp. 3–30. JSTOR, http://www.jstor.org/stable/45183503. Accessed 19 July 2025.
57 Richard A. Goldthwaite, op. cit., p. 16.
58 Ibid.
59 Filature de la soie (Bologne) : adoption de châssis filatoio/torcitoio à plusieurs étages, mus par l’eau, capables de torsader des dizaines de fils à la fois (https://en.wikipedia.org/wiki/Silk_throwing).
Finition de la laine (Florence) : des complexes de foulonnage hydrauliques, tels que les Gualchiere di Remole sur l’Arno (attestés en 1425), regroupaient foulage, lavage et séchage sous un même toit grâce à la force d’un fleuve endigué (https://castellitoscani.com/en/gualchiere-of-remole/).
60 Richard A. Goldthwaite, op. cit., p. 17.
61 Ibid., p. 212 sq.
62 Ibid. p. 72 sq.
63 Ibid., p. 137.
64 Ibid., p. 187. Le Palazzo Vechio est construit dès la fin du XIIIe siècle.
65 Ibid.
66 Ibid., p. 190 et p. 213.
67 Ibid., p. 214.
68 Ibid., p. 216.
69 Philippe Ariès et Georges Duby (dir.), Histoire de la vie privée. Tome III. De la Renaissance aux Lumières, Seuil, 1999, p. 219 sq. ; Richard A. Goldthwaite, op. cit., p. 228.
70 Ibid., p. 225.
71 Ibid., p. 226 sq.
72 James Hankins, “Civic Knighthood in the Early Renaissance : Leonardo Bruni’s De Milita (CA 1420)”, Noctua, anno I, n. 2, 2014, ISSN 22841180.
73 Flavio Biondo, Roma trionfante, Lucio Fauno’s Italian, Venice, 1544, Livre VI. URL : https://archive.org/details/bub_gb_SOBvQaMo2vIC
74 Ibid., Livre VII.
75 Ibid.
76 Machiavel, Discours, II, X : « L’argent seul ne vous défendra pas ; mais il engage à vous dépouiller plus vite : aussi rien n’est plus faux que la commune opinion que l’argent est le nerf de la guerre. » ; Discours, I, VI : quand le ciel serait assez favorable à une république « pour écarter de son sein les désastres de la guerre, il arriverait que l’oisiveté enfanterait au milieu d’elle ou la mollesse ou la discorde, et ces deux fléaux réunis, si un seul ne suffisait pas, seraient la source de sa perte. »
77 James Hankins, op. cit., chapter 18.
78 Machiavel, Histoires Florentines in Ibid.Je traduis.
79 Machiavel, Le Prince, Librairie Générale Française, 2000, p. 125.
80 Michel Sellenart, « Machiavel (1469-1527) : l’ethos politique de grandeur et de liberté », Alain Caillé, Christian Lazzeri, Michel Senellart (ed.), Histoire raisonnée de la philosophie morale et politique, La Découverte, 2011.
81 Machiavel, Discours, I, XXXVII,
82 Ibid.
83 Machiavel, Discours, I, VII.
84 Selon Albert Hirschman, Les passions et les intérêts, PUF, 2020, p. 41, Machiavel est « l’initiateur commun » des courants de pensée ayant « permis de dégager respectivement le principe de la passion compensatrice et la notion d’intérêt. » Selon Jürgen Habermas, Une histoire de la philosophie I, Gallimard, 2021, « C’est une économie moderne des vices et des vertus qui s’esquisse chez Machiavel. »